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MAREY.
Cette manière de mesurer la force du cœur donne des
résultats qui varient beaucoup d'un animal à un autre de
même espèce, et même d’un instant à un autre, quand on opère
sur le même animal. En effet, la pression du sang dans les
artères change à tout instant, soit sous l'influence des atti¬
tudes du corps, soit par l’effet du relâchement ou du resserre¬
ment des petits vaisseaux par lesquels le sang passe des
artères, aux veines. Cette pression artérielle qui charge les
valvules de l’aorte à la façon d’une soupape de sûreté, règle à
tout instant le maximum, auquel s’élèvera la pression dans le
ventricule, l’effort du cœur ne pouvant guère excéder la résis¬
tance que lui oppose la pression artérielle. De même, si notre
main soulève un poids d’un kilogramme; l’effort qu’elle
développe se mesure par le poids soulevé, sauf un léger
excès dans le cas où le soulèvement se fait avec vitesse. Dans
l’un et l’autre cas, la résistance règle l’effort actuel du cœur,
mais ne donne pas une idée de l’effort possible, celui qui se
produirait si la résistance était insurmontable.
Pour mesurer l’effort maximum possible du cœur, il faut
fermer l’issue au sang en comprimant l’aorte à son origine et
ne laisser agir l’effort du cœur que sur un manomètre de petit
calibre adapté à l’orifice aortique. Ces conditions sont faciles à
réaliser sur un cœur détaché de l’animal et soumis à la cir¬
culation artificielle par un procédé analogue à celui que
Ludwig a imaginé.
La figure 37 montre la disposition de l’expérience. Un
cœur de tortue est muni à l’une de ses veines d’un tube de
caoutchouc V qui, plongeant dans un réservoir R plein de
sang, joue le rôle de veine cave et remplit le cœur à la ma¬
nière d’un siphon. Un autre tube de caoutchouc A représente
les artères ; il se bifurque et envoie une branche à un ma-
sang dans une artère, et surtout dans une artère un peu éloignée du cœur,
est plus basse que dans le cœur lui-même. J’ai pu m'en assurer au moyen
d’une sonde manomélrique introduite par les artères jusque dans le ventri¬
cule gauche. En enfonçant ou retirant la sonde, on la faisait passer tour à
tour du cœur dans les artères ou des artères dans le cœur. Or, il y avait
toujours, ainsi qu’on pouvait le prévoir, un excès de pression à l’intérieur du
ventricule. C’est l’excès de la pression cardiaque sur la pression artérielle
qui représente la force avec laquelle le cœur lance le sang dans les artères ;
plus cette différence est grande, plus l’ondée sanguine s’élance avec vitesse
dans le système artériel.