62 B. Bourdon, Contribution à l’étude de l’individualité dans les associations verbales.
qui, tout en étant par ailleurs intelligentes, parlent ou écrivent dif¬
ficilement. Certains, lorsqu’ils voient un mot imprimé, sont peu portés
à lui associer un autre mot, se représentent plutôt quelque objet ou
phénomène; ainsi, tandis que celui qui est bien doué par rapport aux
associations verbales pense facilement, en voyant le mot cheval, au
mot voiture, par exemple, celui qui est mal doué sous le même
rapport, mais bien doué quant à la faculté de se représenter les objets
eux-mêmes, verra plutôt en imagination un cheval.
Que la faiblesse des associations dans l’esprit d’une personne puisse
être une cause de l’individualité de ses réponses, c’est ce qu’on com¬
prendra en observant ce qui arrive lorsqu’on essaie d’effectuer des
associations verbales dans une langue étrangère que l’on connaît
médiocrement; des associations qui s’imposent presque à la pensée de
celui dont cette langue est la langue maternelle peuvent ne pas se
présenter à l’esprit, bien qu’on les ait soi-même rencontrées pourtant
un certain nombre de fois. On a vu aussi que l’individualité des
réponses était très marquée, c’est-à-dire quau même mot il était
répondu un grand nombre de mots différents, lorsque le mot considéré
ne s’associait pas fréquemment dans la langue à quelque autre mot.
Inversement, un faible degré d’individualité dans les associations
verbales se rencontre fréquemment chez des personnes très aptes à
ces associations. J’ai plusieurs fois prévu, en dépouillant mes feuilles
d’associations, et le résultat a d’ordinaire vérifié ma prévision, que
chez telle personne, que je connaissais bien, l’individualité des réponses
serait peu marquée; je fondais ma prévision principalement sur le
fait que cette personne parlait avec facilité et correction. Toutefois,
d’après les cas où ma prévision ne s’est pas vérifiée, je crois qu’il
faut ajouter un autre caractère, qu’on pourrait appeler, en faisant
abstraction du sens péjoratif qu’a le mot en français, la banalité
d’esprit. Bref, si d’une part une personne présente une certaine
banalité d’esprit, si d’autre part elle a l’élocution facile et correcte,
ou peut s’attendre à ce que, soumise au test cité précédemment, elle
tombe souvent, dans ses réponses, sur les mots qui ont été le plus
fréquemment associés aux mots du test.