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Dans le corps du vers, Ye muet n’est pas nécessairement muet
comme à la pause d’après la loi du langage ordinaire,mais il l’est
souvent, et dans ce cas, on peut en garder le souvenir sur la
syllabe précédente dont on prolonge la durée,, et où l’on met une
fracture. C’est ce qu’il faut faire en scandant le vers
Dans : les ailes de l’oiseau
je puis scander en supprimant Ve muet d'ailes, et en donnant
à Y ai du même mot la valeur de deux syllabes.
Cette scansion n’est impossible que si deux arsis devenaient
ainsi contiguës.
On enlèvera au vers cette allure faible qu’il prend quelquefois
lorsque plusieurs e muets viennent à s’y trouver à la fois.
On ne fera ressortir Ye muet en le prononçant que quand
cela sera nécessaire pour éviter une suite dure de syllabes, et
alors parce que l’euphonie amènerait elle-même cette exception.
D’autre côté, la saine phonétique reprendrait ses droits. L’e
muet est bien muet, et ce qui se produit naturellement dans la
prose doit se retrouver dans le vers qui ne doit pas contredire
au langage ordinaire. Il disparaîtrait en laissant sa trace sur la
syllabe précédente par compensation.
Nous proposons cette lecture nouvelle du vers comme plus
pratique.
Il ne faut pas objecter que nous abrégeons le vers d’autant de
syllabes qu’il y a eu de voyelles muettes. Nous supprimons d’un
côté, mais nous ajoutons de l’autre, le temps total se retrouve.
C’est la lecture ordinaire qui fait paraître le vers artificiel et
languissant à ceux qui ne sont pas poètes de métier, et d’ailleurs
cette lecture est impossible dans le poème scénique où incons¬
ciemment on scande comme nous proposons de le faire.
Relativement à la scansion, nous devons remarquer que c’est
à tort que l’on compte dans le vers Ye muet qui suit une autre
voyelle et qu’on exige son élision. Le mot: joie, par exemple, ne
peut être employé dans le corps d’un vers sans qu’on élide Ye
final et par conséquent la locution voie lactée ne saurait y
trouver place. Ici se reproduit ce que nous avons observé à l’hé¬
mistiche pour Ye muet,la proscription absolue, parce qu’on n’ose
ni le compter, ni ne pas le compter.