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quefois la brève en longue, Y arsis allonge ; et aussi la longue
en brève, le thesis abrège. En rythmique germanique, il rend
accentuées des voyelles atones par elles-mêmes, en leur donnant
une sorte d'accent secondaire. Il faut remarquer qu’en fran¬
çais la rime masculine à syllabe fermée se termine le plus sou¬
vent en r et en l ; or cçs liquides laissent après elles un bruit d’ex¬
piration beaucoup moins fort que les autres consonnes, ce qui
les éloigne de Ve muet.
6° Enfin Ye muet final n’est jamais entièrement muet; outre
l’action qu’il produit sur la consonne et sur la voyelle précé¬
dentes, il subsiste encore un peu par lui-même; nous avons vu
que dans certains cas, il n’est pas muet du tout, par exemple,
lorsqu’il est précédé de deux consonnes spectacle, formi¬
dable, etc. Dans un autre cas, sa sonorité est moindre, mais on
l’entend encore parfaitement; c’est lorsqu’il est précédé immé¬
diatement d’une voyelle : nu, nue ; né, née; li (7), lie; non seu¬
lement il y a alors changement de son de la voyelle qui précède,
mais celui de Ye muet est distinct, sans qu’il y ait affectation
dans la lecture. Dans les autres cas, au contraire, le son de Ye
muet semble disparaître entièrement à la pause, mais il n’en est
rien; s’il s'agit d’un monosyllabe, où la syllabe accentuée a plus
d’emphase, et doit être suivie d'une dépression, il est plus sensi¬
ble, mais on le sent dans tous les cas; en effet, la consonne Anale est
toujours suivie d’un bruit d’expiration, même quand il n’y a pas
d’e muet. La confusion vient seulement, comme nous l’avons
expliqué, de ce que les consonnes finales (qui sont quelquefois
prononcées dans les rimes masculines) par l’expiration de la
consonne peuvent produire la même audition.
Tel est l’effet très important de Ye muet à la An du vers.
Nous devons noter le résultat, souvent désastreux, au point de
vue rythmique, que produit ici l’enjambement romantique. Il
empêche de donner à la terminaison toute son amplitude et di¬
minue la différence existant entre la rime masculine et la rime
féminine, parce qu’il abrège celle-ci, et détruit les vestiges de Ye
muet. Sans doute, s’il n’est qu’accidentel, il peut obtenir des
effets par la rupture même du rythme, mais s’il est habituel, il
rompt l’alternance, fait tous les vers se terminer par un arsis,
ce qui rend l’ensemble plus dur.