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situation de syllabe ouverte. Peu importe alors que la voyelle
soit claire ou sourde, elle apparaît dans tous les cas.
Que si elle est muette, un résultat curieux se produit, c’est
que se survivant pour ainsi dire à elle-même, elle empêche de
tomber la consonne qui précède, elle renforce le son d’expira¬
tion qui suit cette consonne et qui la rend syllabique. Ce résultat
est sensible dans des cas où elle fait varier même le son de la
voyelle précédente; ainsi dans bon, bonne, pardon, pardonne,
h’e muet est donc syllabique, il a la force de soutenir la syllabe
où il se trouve et qui tomberait sans lui.
Si le langage naturel était suivi, il y aurait à ce point de vue
deux classes de mots : 1° ceux à syllabe ouverte, se termi¬
nant par une voyelle claire, accentuée, formant arsis dans la ver¬
sification ; 2° ceux à syllabe semblant fermée se terminant par
une consonne préservée par Ve muet suivant, à syllabe réelle¬
ment ouverte, mais faiblement, et formant thesis.
Si l'on appelle terminaison masculine celle formant arsis et
terminaison féminine celle formant thesis, on peut avoir ainsi
des alternances de phrases à terminaison masculine et de
phrases à terminaison féminine constituant un véritable rythme.
Mais Vévolution du français ne s’est pas ainsi accomplie en¬
tièrement. On prononce amer comme amère, mer comme mère,
éternel comme éternelle, ou à peu près, ce que nous avons à
examiner maintenant. On ne peut donc plus en l'état faire des
terminaisons masculines ou féminimes à son gré au moyen
de syllabes ouvertes ou de syllabes fermées.
Quelquefois Ve muet final suit, non une consonne, mais une
syllabe, comme dans le mot joie. Il ne faut pas oublier que cet e
muet forme aussi une syllabe originairement ; nous verrons tout
à l’heure que cette syllabe ne se prononce plus, mais a laissé
des traces sur la voyelle précédente, comme nous venons de
voir que Ve suivant une consonne a préservé celle-ci.
3° — De la loi de compensation.
Il est reconnu en linguistique que lorsqu’un phonème ou une
syllabe finale disparaît et quelquefois même sans qu’elle dis¬
paraisse, elle laisse sa trace sur la syllabe précédente. C’est ce
qui se produit en français d’une manière remarquable.