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bien vivant. Puis son subjectif devient, en un sens, objectif,
parce qu’il se peint alors comme il peindrait un autre individu.
Tout à l’heure nous confondions l’école romantique et la clas¬
sique, en ce que toutes les deux sont des écoles subjectives, par
opposition aux écoles réaliste et parnassienne qui sont objectives.
Mais l’école classique et la romantique se distinguent à leur
tour l’une de l’autre en ce que la première est abstraite, comme
nous venons de l’expliquer, et la seconde concrète.
c). — Suivant le degré de condensation.
La pensée poétique peut être plus ou moins resserrée. Son
resserrement la rend plus frappante, mais l’éloigne quelquefois
de'la réalité.
Dans l’école ancienne, la condensation de la pensée poétique
est modérée ; dans l’école française actuelle des parnassiens elle
se fait à outrance.
Mais d’abord que faut-il entendre par condensation ?
Pour donner une plus grande force à la pensée, et en même
temps pour éviter sa vulgarité, soit au fond, soit dans l’expres¬
sion, pour éviter les épithètes oiseuses et les vers lâches, on a
pensé qu’il fallait accumuler dans un vers le plus d’idées poé¬
tiques, le plus de sentiments, le plus d’images possible. Aussi
les productions de maint poète contemporain doivent-elles se
lire très lentement, sans quoi l’esprit ne pourrait passer vite
d’une image à l’autre, d’une sensation à l’autre, car chaque
mot doit porter, renfermer au moins un détail important. Ce
système a du bon, il retranche tout l’inutile, le remplissage, et
par conséquent le banal.
Dans la poésie précédente, au contraire, dans laquelle le
tissu était plus lâche, il se glissait des idées faibles dans les
interstices, l’attention était mal éveillée, le sentiment se trouvait
très dilué, et il fallait souvent trois ou quatre vers pour dire
moins bien ce qu’on exprime énergiquement et complètement
en un seul.
Dans cette comparaison il semble que le choix est fait; le
sentiment compact, pressé, sans intermission, n’est-il pas pré¬
férable ? Oui, mais il a ses inconvénients. En ne présentant que