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Mais quelquefois Vèlèment psychique est rebelle, il refuse de
suivre exactement ce dessin rythmique.
Nous avons vu pareille révolte en ce qui concerne le vers
dans l’enjambement et la coupure trimétrique irrégulière des
romantiques. En d’autres termes, il y a alors dans la stance
harmonie discordante, différée, entre l’élément psychique et l’é¬
lément phonique ; les deux rythmes ne coïncident plus dans
toute leur étendue.
Dans la strophe française, l’harmonie entre ces deux éléments
est simple et concordante. Le sens, au moins, n’empiète que très
rarement d’une stance sur l’autre. Une nécessité rythmique a
causé cette harmonie discordante. Le rythme phonique en fran¬
çais est moins fortement marqué qu’en grec et en latin ; il faut
donc que l’élément psychique vienne à l’aide, il ne peut le faire
qu’en concordant avec l'élément phonique.
Nous disons que la strophe empiète rarement sur une autre
strophe, cependant cela arrive quelquefois, il y a alors, par ex¬
ception, harmonie discordante de strophe à strophe entre Vèlèment
rythmique et Vèlèment psychique. Cette discordance est résolue à
la fin de la seconde strophe. Elle a pour résultat de lier forte¬
ment les deux ensemble.
Mais en français l’unité de la strophe empêche de vers à vers
l’harmonie discordante entre le rythme et la pensée qu’on ap¬
pelle l’enjambement; cela tient surtout-à l’unité du poème;
pour cette unité, toutes les strophes doivent se ressembler;
elles ne le feraient plus d’une manière sensible, si leurs divi¬
sions intérieures, celles de leurs vers n’étaient pas marquées
fortement, c’est-à-direàla fois psychiquementet rythmiquement.
De même que les vers latins et grecs diffèrent profondément du
vers français quant à la césure, en ce sens que cette césure, au
lieu de faire coïncider le repos du son et celui du sens, les fait
continuellement discorder, de même la strophe primitive grecque
établit partout cette harmonie discordante entre les deux élé¬
ments. Non-seulement les coupures rythmiques intérieures ne
correspondent pas avec les psychiques, mais il n’y a nul arrêt
psychique à la fin de la strophe ; le sens court librement.
Nous empruntons à Becq de Fouquiers, p. 355, le tableau de
cette disharmonie de l’élément rythmique et de l’élément psy¬
chique dans la 9e Olympique de Pindare. P indique les périodes