ÉVOLUTION DU VERS FRANÇAIS
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nancés, c’est-à-dire aux terminaisons teintées d’un pâle
rythme de timbres.
La juste cadence de Malherbe s’impose avec Boileau
et ses amis : Nous avons maintenant des vers blancs
distingués par des timbres. Leurs caractères, ce sont
ceux qui définissent un rythme arithmétique primaire,
un vers blanc nettement dessiné : le sens bien enfermé
dans les douze syllabes, un silence fort net entre ces
groupes, c’est-à-dire pas d’enjambement d’un vers à
l’autre. Dessin intérieur tendant à la symétrie, presque
exclusivement par le modèle 66 (très rarement le mo¬
dèle 444). Ce modèle correspond à une forte césure
médiane, qu’il est également défendu de franchir; elle
est flanquée de part et d’autre de deux césures plus
faibles, formant avec elle une symétrie de silences. Ce
vers peut dire les mêmes choses que la prose, s’il veut:
il peut « aimer la raison », être un vers d’hommes
sensés et de moralistes. Mais ses caractères dérivent
aussi de la nécessité de l’orner de rimes : en effet, on
constate expérimentalement qu’un rythme dû exclu¬
sivement à des vers blancs déplaît, semble un hybride
de prose et de poésie. Il faut donc avoir recours à un
rythme, mais secondaire, de timbres. Il faut ajuster
des rimes au bout des vers. Cette rime doit toujours
suivre, ne jamais conduire. Elle apparaîtra donc sou¬
vent comme un empêchement, une gêne. Quoiqu’on
aime toujours la rime riche, on ne saurait la demander