LES ÉCHELLES
53
on saute de la série des harmoniques à la gamme diatonique.
Peut-être cette lenteur est-elle conforme à la réalité, peut-
être même ne donne-t-elle qu’une faible idée de la manière
dont s est constitue, au cours de millénaires, ce premier
état de-la musique qu’on peut nommer l’état qualitatif (i).
Et comme il est souvent aussi fatigant d’aller trop lente¬
ment que trop vite, il ne sera pas mauvais de nous arrêter
afin de porter un regard sur les résultats acquis.
- Jusqu ici, rappelons-le, notre étude s’est limitée aux
formes musicales réalisées par les groupements dépourvus
d instruments de musique, ou possédant, comme seuls
instruments, des tambours au son voisin du bruit et
susceptibles seulement d’etre utilisés pour marquer des
rythmes.
Il serait prématuré de parler de système musical; nous
nous trouvons en présence d’un état de fait caractérisé
par 1 aspect qualitatif des relations.
Une femme s avance, lève le bras pour arranger la chute
d’une draperie. Nous trouvons son geste gracieux, harmo¬
nieux, nous parlons de proportions, et, si nous voulions
le restituer, nous essayerions sans doute de partir de rap¬
ports numériques ou géométriques simples. En réalité,
décomposé par le cinéma, ce geste nous apparaît comme
infiniment complexe, et comportant, dans le temps et
1 espace, des relations qu il est impossible de ramener à
un mètre commun. Si le geste a été parfaitement et com¬
plètement naturel, rien n’empêche qu’il soit reproduit
quelque jour exactement ; rien n’empêche même une per¬
sonne douée du sens de l’imitation de le reproduire quali¬
tativement, comme un acteur reproduit une inflexion de
voix, un dessinateur la courbe d’une épaulé, dont il serait
bien embarrassé de donner l’équation. C’est sous cet aspect
(i) Le lecteur pour qui cette notion ne serait pas nette est invité à se reporter
au chapitre relatif à la numération, dans l’ouvrage précité de M. Lévy-Bruhl.