LE SON PUR
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sortes d’associations, de tant de valeur émotive! Encore
n’est-il pas du tout certain que cette mélopée sans paroles
soit chose primordiale, que le primitif se soit livré, sans
nécessité sociale, à une occupation aussi grave et mystique
que de fabriquer de la musique pure.
D’après les Grecs, la mélodie est l’élément « femelle »
de la musique, dont 1 element « mâle » est le rythme. On
peut accepter cette image, mais en se rappelant que dans les
espèces inférieures la parthénogénèse est fréquente, et que
toute une vie, un peu informe et végétative, sans doute,
peut s organiser sans intervention — ou tout au moins
avec des interventions très espacées — de l’élément“
mâle.
La « mélopée du pâtre » dont nous admettons hypothé¬
tiquement l’existence, aura normalement un centre, la
note habituelle de la voix parlée (i). Cette note s’encadrera
entre d’autres : une sensible ascendante et une sensible
descendante, par exemple, desquelles on pourra revenir
à la note originelle (2). Ainsi, il a pu exister, dans une
certaine mesure, un sens primitif de la tonalité, sens néga¬
tif si l’on veut ; et en effet, une fois la voix posée sur un
degre particulièrement favorable, il n y a pas de raison
acoustique de n y point revenir, et il y a toutes sortes de
raisons pratiques (surtout s’il y a chant en chœur, exécu¬
tion collective) pour y revenir. Mais si des raisons d’ordre
dramatique, émotif, etc., imposent un changement, ce sens
rudimentaire de la tonalité ne sera pas assez fort pour
imposer un retour (3).
(1) Il y a une tradition de cette nature a l’origine de la musique chinoise.
Ce son de base était peut-être le la primitif qu’il faut certainement chercher
deux tons plus bas que le nôtre. Peut-être ce la représente-t-il la limite supé¬
rieure d’une échelle très restreinte.
(2) Cf. le début de La Nuit sur le Mont Chauve, de Moussorgsky.
(3) Cf. p. 77, une remarque de Gevaert.