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LA SENSIBILITÉ MUSICALE
quant nullement, au début tout au moins, que les degrés
fussent égaux entre eux, ni d’un chanteur à l’autre, ni
pour le même chanteur, d’une mélodie à l’autre. C’était
si l’on veut, une échelle ordinale plus que cardinale.
4° Certains instruments qui utilisent soit exclusivement
(clairon), soit concurremment avec la variation de lon¬
gueur (trombone) le passage d’un degré à l’autre de
l’échelle harmonique, comportent ainsi des intervalles
préférés. Il ne semble pas que ce mécanisme intervienne
dans la formation des sons vocaux (il n’est pas question
actuellement des harmoniques qui modifient le timbre
ou servent à former les syllabes sur lesquelles pose le chant).
Les déplacements musculaires sont du même ordre pour
passer du do au si de la même octave ou bien au do de
l’octave supérieure ; si ce dernier passage est plus aisé,
cela tient donc aux habitudes de l’oreille.
Nous nous trouvons ainsi en face d’exigences contra¬
dictoires émises par l’oreille et le gosier, de jugements
différents quant aux quatre types de variations sonores.
Résumons-les :
i° La répétition d’une même note n’est facile pour la
voix que si elle peut s’appuyer sur des paroles ; elle repré¬
sente un minimum de variation qui risque de lasser assez
vite l’attention si celle-ci n’est point retenue par l’intérêt
du texte ;
2° et 3° Le type préféré sera le mouvement par degrés
conjoints, que l’oreille souhaitera aussi proches que possible
et la voix nettement distants ;
4° En dehors des degrés conjoints, un seul intervalle
sera accueilli favorablement par l’oreille, c’est l’octave.
Selon ces données on peut concevoir une musique pure¬
ment mélodique, sans échelle fixe, sans rythme, et sans parti
expressif spécial. C’est la « mélopée du pâtre » dont le début
du Prélude à V Après-midi dyun Faune représente la styli¬
sation artistique, mais chargée pour nous, du fait de toutes