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JOURSAL DE PSYCHOLOGIE
tout aussi vivement sur le mot propre, alors que, dans l’amnésie des
noms de couleurs, on remarque au moins une incertitude au sujet du
nom de couleur entendu ou surgi dans la conscience de quelque
autre façon. De toute manière, cette explication nous semble très
forcée.
Nous proposerons, pour la différence des attitudes relatives aux
noms de couleurs d’une part, aux noms des objets de l’autre, l’expli¬
cation suivante : quand on prie quelqu’un de montrer la nuance qui
correspond à un certain nom de couleur, le problème est d’habitude
résolu comme nous l’avons indiqué, c’est-à-dire que le nom de cou¬
leur est saisi comme la désignation d’une catégorie de couleurs et
que l’on cherche parmi les échantillons proposés une teinte qui
« représente » la catégorie en question. On ne peut même le résoudre
autrement, car d’habitude le mot « vert » ou « rouge » ne convient
exactement à aucun des échantillons proposés. Un malade atteint
d’amnésie des noms de couleurs n’arrive pas à résoudre le problème,
parce que chez lui l’attitude catégorielle indispensable est atteinte.
Mais un malade peut arriver à trouver la couleur demandée en résol¬
vant le problème d’une autre façon qui n’exige pas l’attitude caté¬
gorielle, par exemple lorsqu’en entendant citer un nom de couleur,
soit le mot « rouge », il se redit à lui-même, en faisant appel à son
« savoir verbal », des noms d’objets qui portent cette couleur
(« rouge-sang ») ; il se représente alors le sang et cherche parmi les
couleurs proposées celle qui convient à l’image du sang. C’est effec¬
tivement à l’aide d’un pareil détour que les malades retrouvent assez
souvent des couleurs. Or, alors que, dans le cas des couleurs, le pre¬
mier procédé, plus abstrait, est plus usuel et souvent le seul pos¬
sible, ne fût-ce que parce que le deuxième procédé exige une excel¬
lente imagination visuelle et qu’il faudrait aussi que parmi les
échantillons proposés il s’en trouvât un exactement semblable à
l’image, — quand il s’agit de montrer l’objet qui vient d’être nommé,
il est toujours possible et même indiqué d’user du procédé plus con¬
cret et intuitif. Si donc les aphasiques amnésiques ont conservé le
pouvoir de montrer les objets qu’on leur nomme, c’est parce qu’ils
ont pu adopter le second procédé et qu’ils n’ont pas eu à faire appel
au comportement catégoriel. Si l’on nous demande, entre divers
objets, de montrer un mouchoir, le mot mouchoir est lié à des expé-