K. BUHLER. — VONOMATOPÉE ET LA FONCTION DU LANGAGE 417
constatations du parti adverse. Car, de nos jours, il n’arrive guère plus,
dans la science, que le triomphe d’un dogme unique suffise à con¬
vaincre d’erreur la théorie opposée. Le besoin de peindre naît dans
ces larges marges demeurées libres du fait que le langage a adopté
une structure différente et non picturale. Il possède même en propre
un petit terrain bien délimité, qu’il déborde un peu, celui des
noms de bruits. Et il agit last not least d’une façon très originale
dans le domaine du débit expressif dont nous ne pouvons traiter ici.
A mon avis, il suffirait de transporter les observations de Werner,
du chapitre de la représentation verbale à celui du débit expressif,
et l’on pourrait même leur conserver le nom de physiognomonie.
Mais il faudra régler au préalable la querelle déjà engagée sur le
terrain de la théorie du langage.
Werner insiste fortement et avec raison sur la différence qui existe
entre sa théorie et la conception courante de l’onomatopée. L’essen¬
tiel n’est pas que le sujet parlant copie ce qu’il entend, à la manière
d’un écho, tant bien que mal; ce qui importe, c’est l’acte de création
spirituelle par laquelle à la fois il interprète de façon productive
l’aspect des choses et en retrouve le reflet dans le son du mot qui
les désigne. On est alors frappé devoir qu’il suffirait de bien peu
pour soustraire la théorie du psychologue Werner à toutes les
objections des linguistes qu’il a cités, et on est surpris qu’il redoute de
faire ce pas en arrière qui le ramènerait aux conceptions courantes.
N est ce pas ce même Platon qui, dans les conseils qu’il donne au
philosophe sur la façon de recueillir des données sûres au sujet de
Yorganon du langage, distingue nettement deux informateurs pos¬
sibles : l’artisan qui use de l’instrument et celui qui l’a autrefois
fabriqué ? Va voir le tisserand, si tu veux t’instruire auprès de
l’ouvrier habile à manier le métier ; va voir le menuisier qui l’a
fabriqué, si tu veux t’instruire auprès du constructeur. Les sujets
de Werner ne pourront jamais passer pour les créateurs du mot Seife;
si parfois ils se le figurent, c’est que, simplement, ils auront usé un
peu librement de leur patrimoine ; — cela arrive à tous les épigones.
C’est bien lenr droit, mais cela ne leur donne aucune autorité en
matière d’histoire des mots. Le seul compétent ici est l’historien de
la langue allemande, qui a essayé de remonter j usqu’au menuisier, ou
du moins aussi loin que possible. Si ces sujets étaient des historiens