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JOURNAL DE PSYCHOLOGIE
des caractères de mouvement, de forme, de direction, de relations
spatiales, etc. Tout « mot » complet formerait une phrase et repré¬
senterait un mouvement mimique complet. Un tel langage se trou¬
verait être, de manière toute fortuite, un langage universel, car la
mimique humaine est elle-même un langage universel, et ceux qui
s’en servent encore, comme les sourds-muets illettrés, sont capables
de comprendre leurs semblables et d’être compris par eux dans
toutes les parties du monde.
On constate, même aujourd’hui, que les sons du langage ne miment
pas ce que nous observons réellement, et que, subconsciemment,
nous n’utilisons les sons que pour indiquer les mouvements essentiels
qui portent avec eux la signification du langage.
Ainsi, les phonéticiens savent-ils parfaitement, maintenant, qu’il
existe des qualités très différentes du son L et que ces qualités
différentes sont employées, dans une même langue, sans distinctions
de sens. On les appelle « claires » et « sombres » — et c’est plutôt
absurde —, mais ce qui les distingue vraiment, c’est que, pour les
produire, on fait le geste émettant le son L avec la langue placée
dans des positions différentes et que, par suite, les changements de
résonance, dus aux changements de volume et d’ouverture des
cavités buccales, sont différents dans chaque cas.
Il y a huit ou neuf ans environ, j’ai étudié ces changements de
résonance pour plusieurs consonnes, L, N, R, entre autres, et j’ai
découvert que les résonances caractéristiques de chacune de ces
consonnes pouvaient varier dans la mesure où la résonance de la
voyelle i dans « eat « diffère de celle de la voyelle æ dans « hat » ou
celle de a dans « calm » de celle de a dans « up », sans qu’une oreille
inexercée y soit sensible. Pour la consonne L, l’échelle de variation
comprenait cinq demi-tons1.
Voici l’explication qui s’imposa : le mouvement (fût-il celui de L,
de N ou de R) était en général fait de manières légèrement différentes,
liées à la commodité du geste.
Si la consonne devait être combinée avec la voyelle i, elle était,
inconsciemment, émise avec la langue en avant dans la bouche ; si
elle devait être combinée avec la voyelle o comme dans « ail », elle
1. Human Speech, p. 125.