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faudrait que ia commission proposât du même coup l’exclusion des instru-
ments de cuivre qui n’étaient pas employés à cette époque, et qu'avec le
diapason d’autrefois on ne nous fît plus entendre que les orchestres d'autre¬
fois. Qui ne s’opposerait à une pareille mesure dont l’effet nous priverait des
ouvrages des membres de la commission que l’on applaudit chaque soir?
Quant aux orgues, la confusion deviendra plus grande que jamais ; les an¬
ciens instruments seront trois quarts de ton, un demi-ton, un quart de ton
trop bas, les modernes un quart de ton trop haut.
Même et plus grand embarras pour les relations commerciales, puisque la
résolution nous éloigne de ce qui existe partout ailleurs. Il semblait tout na¬
turel de prendre le terme moyen des diapasons actuellement existants ; au
lieu de cela l’on a jugé préférable de choisir un diapason que le maître de
chapelle de Carlshure avait par hasard tiré de sa poche. Espérons que la
France fournira au moins quelques instruments à cette ville, où je persiste
à croire que le diapason à 870 n’est pas des plus faciles à rencontrer,
Tout en dernier lieu, M. Lissajous a été nommé pour surveiller l’exécu¬
tion de la mesure du quart de ton. Comme il va être contrarié î non pas sans
doute d’occuper une place avantageuse, mais c’est qu’il aura sans cesse
à faire exécuter ce à quoi il s’élait opposé ; il lui faut assurer par tous les
moyens d’autorité le triomphe officiel de l’opinion contraire à la sienne, et
que sans doute il avait, dans la commission, combattue de toute la force de
sa conviction, de toute l’autorité de ses précédentes études. Voilà M. Lissa¬
jous dans ia situation d’Aman conduisant dans une pompe royale Mardochée
monté sur le cheval d’Assuérus, et proclamant en tout lieu la gloire de son
ennemi,
La vérification des diapasons donne lieu à plusieurs questions. Je me bor¬
nerai à deux ou trois. D’abord je demande si cette vérification se fera
comme celle des poids et mesures, en présence des intéressés et par des
moyens que ceux-ci puissent apprécier; ensuite je suppose que de même
qu’il y a pour le poids du pain chez les boulangers un certain nombre de
grammes dits de tolérance, il y aura aussi pour les musiciens des vibrations
de tolérance; en troisième lieu, qu’arriverait-il si un vérificateur exercé,
M. Cagniard-Latour, par exemple, examinait un diapason officiellement vé¬
rifié par M. Lissajous, et que les chiffres ne se trouvassent pas conformes?
Qu’arriverait-il si M. Lissajous lui-même, vérifiant à quelque temps de dis¬
tance un même diapason, lui trouvait une fois tel nombre de vibrations et
une fois tel autre? Mieux que moi il sait que la chose peut arriver. Enfin, et
ce n’est plus là une question, je n’ai pas besoin de recommander à M. Lis¬
sajous l’indulgence pour les diapasons à 890 et à 891 vibrations, car c’était là
celui qu’il proposait à l’origine de la discussion.