- 48 -
La raison qui l’avait inspiré et conduit à disposer la Harpe Eolienne de cette façon se trouve
ainsi expliquée.
Debain, avait innové la Coupure et séparé en deux demi-jeux, occupant chacun la moitié du
clavier, chaque jeu entier. Il avait réalisé un instrument permettant d’utiliser un registre dans
la partie des Dessus sous la main droite et un autre registre dans la partie gauche. 11 avait, par
exemple, donné à l’artiste la précieuse faculté de pouvoir chanter dans la partie droite avec le
jeu rond et bien timbré de la Clarinette en même temps qu’il pouvait accompagner ce chant par
la teinte grise du Clairon ou du Basson. 11 avait ainsi indiqué la transformation d'une couleur
uniforme en deux teintes variées, la possibilité d’utiliser à la fois deux couleurs différentes.
Victor Alustel avait aussitôt grandement apprécié cette tranche disposition. Mais il en avait
aussi vite compris l’insuffisance en ce que, malgré tout, l’instrument limité dans ses ressources,
ne laissait exploiter qu’en très petites proportions un domaine qui promettait tant de variétés.
L’instrument était riche mais non disposé pour l’emploi libre de ses richesses.
Des éléments lui manquaient, nous allons le voir. La partie gauche autant que la partie droite,
était, en effet, ainsi composée : i° Un seize pieds (le Bourdon) ; 2" Deux huit pieds (Cor Anglais et
Basson) : 40 Un quatre pieds (le Clairon).
Cela taisait en tout une variété de trois octaves sur chaque note, nous voulons dire que chaque
touche du clavier pouvait fournir, tour à tour ou simultanément, trois sons différents sur l’une ou
l’autre région, droite ou gauche, du clavier.
Malgré les combinaisons intéressantes que cette disposition pouvait faciliter, il n’en restait pas
moins que, sur la partie gauche, ces trois sons, de hauteur différente, ne représentaient que deux
sortes de timbres ; le timbre rond et puissant, le timbre gris, plus léger. Cela forçait éternellement,
puisqu'on ne pouvait pas employer en accord le Bourdon, à ne réaliser les harmonies, par exemple,
qu'avec le Clairon, d'un usage plus fréquent, et quelquefois aussi avec le Basson, dont on
déplorait aussitôt la lourdeur.
Il manquait le timbre chantant, clair et facile d’émission. La Harpe Eolienne l'apporta dans
les Basses où il manquait le plus. 11 en résulta que la région gauche fut riche de quatre octaves :
2 pieds, q pieds, 8 pieds. 16 pieds, variété immense dont la Double-Expression permettait le
plus vaste emploi. Elle laissait plus pauvre la région des Dessus. Mais dans un esprit de suite
logique, Mustel sut rétablir l'équilibre en ajoutant à cette dernière un jeu formant l’octave
supplémentaire, le Baryton, dessus de 42 pieds. Désormais les deux parties du clavier devenaient
chacune un instrument particulier et complet.
L’Harmonium avait, considéré dans sa plus parfaite unité, son clavier régulier étendu de
5 octaves, ou bien, il pouvait se constituer comme le groupement de 2 petits claviers se rejoignant,
ayant chacun 2 octaves 1/2 de longueur en clavier proprement dit. mais exactement 5 octaves 1/2
d’étendue de combinaisons. Cela donne une idée de ce que peuvent être celles-ci sur un instrument
ainsi distribué, dont les deux moitiés du clavier ont chacune leur plus indépendante individualité.