Nous parvenons enfin à l’époque où Grenié, sur l’invention duquel nous allons plus ample¬
ment nous étendre, marque l’étape décisive depuis laquelle rien n’a été fait, ni tenté, si ce n’est la
réédition peut-être des divers procédés dont nous n’avons donné qu’une brève nomenclature parce
qu’elle ne se rattache à notre sujet que par la confusion créée par une homonymie.
Nous venons de dire que l’invention la plus effective pour rendre l’orgue à tuyaux capable
d’expression eut pour base l’emploi de l'anche libre.
L’instrument allait pouvoir enfler ou diminuer ses sons, il allait produire les crescendo et
decrescendo si longtemps cherchés et tant désirés.
Ajouter à son nom Orgue, le qualificatif Expressif était simple justice. C’est ce que fit son
inventeur qui dénomma alors sa création Orgue-Expressif.
Mais, voici que peu après les essais de Grenié, apparut un nouvel instrument à anches
libres et fort expressif déjà, l’Harmonium (nom qu’il a porté plus tard). Comme le premier, il
possédait les avantages de la polyphonie, de la faculté de prolonger les sons et il répondait,
en même temps, à un besoin réel qui se faisait sentir dans les églises trop petites ou trop pauvres,
pour posséder un orgue à tuyaux. De là, à dénommer “ Orgue ” le nouvel arrivant, il n’y avait
qu’un pas. C’est ce que l’on fit d’abord en y ajoutant différents qualificatifs, tels que “ portatif ”,
par exemple, par opposition au Grand-Orgue. Puis, pour bien faire ressortir que le majestueux
instrument, malgré les longues mais vaines recherches des hommes les plus éminents, restait
privé de l’Expression, de l accent émotionnel, cet apanage précieux de l’instrument naissant, les
facteurs qui avaient créé ce dernier, le nommèrent aussi “ Orgue-Expressif ” (i).
Ce terme a donc servi successivement à dénommer deux instruments de principe assez différent.
De là, l’origine de toutes les confusions qui se sont transmises jusqu’à nos jours.
Où commence l’Orgue-Expressil dans l’esprit des historiens ?
Il y a, au sujet de la définition de l’Harmonium, un critérium infaillible que les acousticiens
n’ont pas suffisamment remarqué, que les historiens ont moins vu encore et qui établit sa caracté¬
ristique la plus absolue.
Dans l’Harmonium, l’anche libre est seule, posée simplement sur une petite épaisseur de bois
percée d’un trou proportionné qui sert à établir le courant d’air indispensable à sa mise en
vibration ; point d’autre complication, sauf naturellement, les mécanismes du clavier et de la
soufflerie qui ne concourent d’ailleurs nullement à sa sonorité. Celui-ci est tout entier constitué
(i) Nom que les facteurs ont conservé et que nous conservons nous-mêmes, parce qu'il témoigne le mieux d'un des plus
grands intérêts de cet instrument.