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hypnotisme.
d hui, il faut s en méfier, autant que des théories. Nous venons de voir qu’un fait « bien
et complètement observé dans ses détails », peut être faux, étant réellement et objecti¬
vement provoque par une théorie fausse. Et d’autre part, nous avons vu une théorie
relativement fausse, (cel.e de Mesmer au point de vue de son exclusivité phvsique et
objective) conduire a la decouverte d’innombrables faits réels. Ch. Richet n’ignore pas
cette possibilité. En parlant des idées de Mayer, il dit lui-même : « Ce n’est pas la pre¬
miere fois qu entre les mains d’un homme de génie une erreur d’interprétation con¬
duit a une grande découverte. » Soyons donc indulgents pour les théories; tâchons
seulement d en avoir toujours deux de contraires, pour pouvoir se réjouir également du
nomphe de 1 une et de la défaite de l’autre. Ce qui est vraiment préjudiciable pour le
progrès, c est cette uniformité des théories qui règne en ce moment,’et ce respect
exagere des faits, cherchés toujours dans la même direction. Plus d’indépendance de la
routine, plus de hardiesse dans la reconnaissance des faits, aussi bien que des théories
et surtout moins de « néophobie » : telle est, je crois, la formule, après la découverte de
I hypnotisme. Je me hâte d’ajouter, que c’est, au fond, celle de mon savant ami.
HYPNOTISME DES ANIMAUX
Les animaux étant également hypnotisables, les liens suggestifs entre l’homme et
le chien indubitables, on doit se demander si, quelquefois, lorsqu’on a la chance de
tomber sur quelques animaux sensitifs (et ils sont peut-être plus sensitifs que nous
sous certains rapports) on n’est pas exposé à une tautologie expérimentale, même
dans une vivisection physiologique ordinaire?
Sans rien préjuger, je soumets le fait suivant à la méditation du lecteur : « Vous
savez — dit Charles Richet dans sa leçon inaugurale sur la physiologie et la médecine
(1887) qu’il y a au cerveau, entre la paroi crânienne et la masse cérébrale, une mem¬
brane fibreuse résistante, la dure-mère. Or il se trouve, que cette dure-mère est d’une
sensibilité exquise : on ne peut pas la toucher sans que l’animal pousse des cris de dou¬
leur. Elle est, je ne dirai pas aussi sensible, mais plus sensible qu’un tronc nerveux. Il
n’y a pas dans tout l’organisme, d’organe qui soit plus sensible. Pour qu’un chien sup¬
porte sans se plaindre une piqûre ou une déchirure de la dure-mère, il faut qu’il soit
profondément chloralisé. Dès qu'il y a en lui la moindre trace de sensibilité, elle est
réveillée aussitôt par l’attouchement de la dure-mère. Il semble que rien ne soit plus
facile que de constater ce phénomène. Quoi de plus simple que de mettre la dure-mère
à nu, de la pincer, et de constater que le chien alors crie et se débat?
« Cependant, il faut croire que cela n’est pas très facile; car il s’est trouvé, il y a
cent ans à peine, un très grand physiologiste, un des plus grands assurément, Haller,
qui a reconnu que la dure-mère était insensible. Haller a étudié la sensibilité de la
dure-mère à l’aide d’expériences nombreuses, mais il était aveuglé par sa théorie de l’ir¬
ritabilité, qui lui faisait admettre que les parties fibreuses ne sont point irritables.
« Nous mîmes, dit-il, la dure-mère à nu, nous irritâmes cette membrane avec le
scalpel et le poison chimique : l’animal ne souffrit aucune douleur. Sur un chien on a
arrosé la dure-mère avec de l’huile de vitriol : l’animal a paru gai...
« L expérience 62, sur un chat. — La dure-mère découverte fut piquée, irritée, brûlée
pendant longtemps, sans que l’animal se plaignit.
<( Haller îapporte une douzaine de cas analogues, et il ajoute : « J’ai fait beaucoup
plus d expériences que je n’en rapporte ici. Il y en avait cinquante de faites en 1750.
Elles ont toutes réussi avec la même évidence et sans laisser de place à un doute rai¬
sonnable; je les crois suffisantes pour démontrer que la dure-mère est insensible. »
« Eh bien ! non, cent fois, mille fois non ! La dure-mère est d’une sensibilité extrême.
Lest un fait éclatant, facile à voir, incontestable. Nulle partie du corps n’est aussi sen¬
sible. Alors comment Haller n’a-t-il pas vu ce phénomène si évident? Gomment expli¬
quer cette colossale erreur en une question si facile? Je ne saurais le dire. Sans doute
il avait la vue troublée par sa théorie, il voulait trouver la dure-mère insensible, et il la
ti ouvait insensible. Comme nous le faisons probablement aujourd’hui, il voyait, non ce
qui est, mais ce qu il voulait voir. N’est-il pas vrai, messieurs, que c’est inquiétant