HÉMOLYSE.
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Dans le premier cas, les globules A, après leur imprégnation par la sensibilisa¬
trice A, sont devenus susceptibles d’être attaqués par l’alexine, ils ont été sensibilisés
à son action. Dans le second cas, le même phénomène s’est passé pour les globules B.
Cette façon de concevoir le rôle de la sensibilisatrice et de l’alexine découle des
recherches de Bordet sur l’immunité contre les microbes, d’où sont issus les travaux
sur les hémolysines humorales spécifiques. La sensibilisation par le sérum spécifique
fut primitivement (1899) conçue plutôt comme un affaiblissement de la cellule (microbe
ou globule) dans sa résistance à l’alexine.
Ultérieurement (1901), Bordet précisa sa façon de comprendre cette débilitation de
la cellule vis-à-vis de l’alexine : « La sensibilisation modifie la cellule de manière à lui
permettre d’absorber directement l’alexine. L’action de la sensibilisatrice sur les élé¬
ments cellulaires serait donc comparable à celle de certains agents fixateurs ou mor-
dançants, lesquels confèrent à certaines substances la propriété d’absorber des couleurs
qu’elles refusaient auparavant. »
Nolf exprimait (1900) la même opinion, sous une forme un peu différente : « L’an¬
ticorps doit être considéré comme une substance qui augmente, dans des limites plus
ou moins étendues, le coefficient d’absorption des globules pour les alexines. »
Dans cette manière de concevoir le phénomène, c’est donc par une action directe
de l’alexine sur le globule qu’est opérée la destruction de celui-ci. La sensibilisatrice
joue le rôle de simple adjuvant.
En cela, la théorie de Bordet se sépare complètement de celle d’ËHRLicH et Mor¬
genroth.
Théorie d’EHRUCH et Morgenroth : L'hémolyse est un phénomène chimique ; il
résulte de la combinaison chimique entre le protoplasma de l’hématie, l’amboceptor
(sensibilisatrice) et le complément (alexine). L’amboceptor est le terme intermédiaire
nécessaire entre le protoplasma et le complément. Il est doué d’une affinité bipolaire
(d’où son nom). L’un de ses pôles s’agrafe au protoplasma; l’autre fixe le complément.
La fixation au protoplasma est purement chimique, elle se fait par l’intermédiaire d’un
chaînon. D’après Ehrlich et Morgenroth, la surface du protoplasma vivant, conçu
comme entité chimique, comprend un noyau central hérissé d’une foule de chaînes
latérales, pourvues chacune d’affinités spécifiques. Celles-ci se saturent au contact des
éléments dissous dans le milieu ambiant. Chaque chaînon peut ainsi fixer chimique¬
ment les substances pour lesquelles il a de l’affinité.
Quand un amboceptor se fixe sur une cellule, c’est que cette cellule contient un
chaînon capable d’entrer en combinaison avec lui. Cet amboceptor se soude alors, par
un de ses pôles (pôle cytophile), à ce chaînon. S’il existe dans le liquide ambiant des
molécules de complément libres, l’autre pôle (pôle complémentophile) de l’amboceptor
se coiffe du complément, et la double union, d’où procède l’hémolyse, se trouve
réalisée.
D’après ce qui précède, jamais l’union entre protoplasma, d’une part, complément,
d’autre part, n’est directe. L’amboceptor est l’intermédiaire obligé entre les deux.
La fixation sur la cellule d’amboceptors pourvus de leur complément est un cas
particulier d’un processus qui assure, dans les conditions habituelles, la nutrition
cellulaire.
Pourquoi cette fixation, quand elle porte sur une hémolysine, entraîne-t-elle la des¬
truction de la cellule? Parce que, dit la théorie d’EHRLiCH et Morgenroth, l’hémolysine
est un poison cellulaire. Cette explication n’en est évidemment pas une.
Si l’on envisage le fond du problème, on doit reconnaître que les travaux des der¬
nières années ont apporté à la théorie d’EHRLiCH et Morgenroth de nombreux et sérieux
appuis. Pour Ehrlich et Morgenroth, l’action de l’hémolysine sur l’hématie est essen¬
tiellement la combinaison chimique de trois substances : le protoplasma cellulaire,
l’amboceptor, le complément. Dans la théorie de Bordet, telle qu’elle fut primitivement
énoncée, l’hémolyse est une altération grave de la cellule causée par l’alexine, et faci¬
litée par la sensibilisatrice.
Actuellement, on reconnaît pour ainsi dire unanimement que l’hémolyse est bien la
fixation successive de l’amboceptor et du complément par la cellule.
Cette explication de l’hémolyse par les sérums d’immunisation a été étendue par