64
CERVELET.
Les phénomènes consécutifs à l’irritation électrique du cervelet chez les animaux,
et particulièrement chez les mammifères, doivent être rapprochés des faits observés
chez l’homme lorsqu’un courant galvanique traverse la tête à la région cérébelleuse
dans une direction transversale. On éprouve alors une sensation de vertige, pendant
lequel les objets extérieurs semblent se mouvoir dans la direction du courant, tandis
que la tête et même le corps tournent et s’affaissent vers l’anode; c’est aussi vers le pôle
positif que l’on voit se diriger les globes oculaires, qui souvent se mettent à osciller
(nystagmus). Il faut admettre que les phénomènes moteurs observés sur le passage d’un
courant galvanique à travers la tête, vers la région cérébelleuse résultent d’une irritation
électrique du cervelet. Cette irritation provient presque exclusivement de l’anode au
moment de la fermeture du circuit; c’est aussi du côté de l’anode, c’est-à-dire du côté
irrité, que les phénomènes moteurs ont lieu.
De ce qui précède on peut conclure qu’il existe un certain rapport fonctionnel entre
le cervelet et les mouvements de la tête, des yeux et des extrémités. Nous verrons plus
loin quelle est la nature de ce rapport et à quel degré les données obtenues par le pro¬
cédé d’irritation peuvent servir à déterminer le rôle fonctionnel du cervelet.
Phénomènes de déficience. — Ces phénomènes sont provoqués par le procédé de
destruction et sont d’observation délicate, vu la grande difficulté avec laquelle des lésions
destructives peuvent être produites sans porter atteinte aux parties voisines. Néanmoins,
grâce à des précautions minutieuses, on est parvenu non seulement à produire des lésions
assez étendues du cervelet, mais même à effectuer l’ablation totale de l’organe sans léser
les parties contiguës. Plusieurs expérimentateurs ont même réussi à conserver l’animal
après l’opération pendant un temps assez long. Parmi les différents animaux sur lesquels
la destruction partielle ou totale du cervelet était pratiquée, les oiseaux (pigeon, poule,
coq) se prêtent le plus facilement à ce genre d’opération. C’est sur eux que Flourens a
réalisé ses premières expériences, dont les résultats, quoique différemment interprétés,
ont été confirmés successivement, et avec un degré d’uniformité remarquable, par la
plupart des expérimentateurs. Ces résultats, qui établissent le rôle du cervelet dans la
locomotion, peuvent être considérés comme la base de la physiologie du cervelet.
Si l’on enlève par couches successives le cervelet sur un pigeon ou sur une poule, on
constate qu’à mesure que les couches sont enlevées de la surface vers la profondeur,
l’équilibre de l’animal se trouble, la démarche devient chancelante et incertaine. Lors¬
qu’on enlève le cervelet tout entier, l’animal ne peut plus se tenir sur ses pattes, tous ses
mouvements deviennent' désordonnés, il ne peut ni marcher ni voler; tous les efforts
qu’il fait pour soutenir l’équilibre de son corps et pour coordonner les mouvements de
ses membres, n’aboutissent qu’à une désharmonie, une incohérence motrice complète,
sans arriver à produire un mouvement déterminé.
Il est cependant facile de s’assurer que l’animal a conservé le sens de la vue, de
l’ouïe et du tact; il voit, il entend et il sent; sa volonté ne paraît pas non plus être
atteinte, mais les impulsions volontaires ne s’harmonisent pas avec les mouvements :
ceux-ci ne sont pas coordonnés ni adaptés au but voulu, il n’y a ni stabilité, ni déambu¬
lation réglée : la déséquilibration motrice est complète. Ces symptômes, qui présentent le
résultat fondamental et constant de l’ablation ou de la destruction partielle, mais assez
étendue, du cervelet, peuvent s’améliorer sensiblement; et, si l’animal survit un certain
temps à l’opération, il peut parvenir à équilibrer plus ou moins ses mouvements. Les
oiseaux survivent parfois assez longtemps à l’opération. Ainsi Flourens a conservé un coq
huit mois; un poussin de Lussana a survécu cinq ans à la destruction de deux tiers du
cervelet. Laborde rapporte l’histoire d’un coq et d’une poule qui ont survécu plus de
deux ans à l’ablation complète du cervelet.
Mais c’est surtout chez les mammifères que les phénomènes de déséquilibration
motrice provenant de l’ablation du cervelet prennent un relief particulier. Déjà une
lésion partielle plus ou moins étendue provoque certains désordres de l’équilibre que
Magendie fut le premier à observer et que Ferrier a étudiés avec grand soin. La divi¬
sion complète du cervelet sur la ligne médiane dans le sens antéro-postérieur ne produit
que des troubles légers de l’équilibre : de même, lorsque les lésions sont situées symétri¬
quement de deux côtés. Tandis que les lésions asymétriques ou faites d’un côté seule¬
ment troublent l’équilibre d’une façon manifeste et dans des sens différents selon le siège