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CHLORAL.
dans l’artère, elle s’élève, au contraire, notablement dans la veine. Il est même possible,
avec un sphygmoscope très sensible, de voir, sur le tracé de la veine, une propagation des
pulsations artérielles.
C’est ce que montre très distinctement le tracé de la figure 110. Ces constatations ont
une importance capitale, car elles permettent d’affirmer que, pendant le sommeil chlo-
ralique profond, les voies d’écoulement périphériques sont dilatées, et renseignent ainsi
sur les modifications du cours du sang dans les vaisseaux capillaires.
Par conséquent, pendant qu’au début de la chloralisation la pression artérielle monte
et la vitesse de la circulation diminue, les vaisseaux capillaires se contractent, tandis
qu’ils sont largement dilatés pendant la phase d’hypotension artérielle avec augmenta¬
tion de la vitesse du courant sanguin et de la pression veineuse.
Cette action vaso-dilatatrice intense du chloral, qui domine et persiste pendant toute
la durée du sommeil qu’il détermine, a pour conséquence des modifications apparentes
bien connues ; notamment, la congestion de la peau, des muqueuses et des parenchymes;
la rougeur de la face, les exanthèmes cutanés, etc. Lorsqu’on fait une opération sur un
sujet anesthésié par le chloral, on constate que les plaies faites saignent beaucoup; les
hémorragies en nappe sont profuses, l’hémostase est difficile, ce qui constitue certaine-
Fig. 110. — Modifications simultanées de la pression dans les vaisseaux périphériques (artères et veines faciales)
sous l'influence d'une injection de chloral (âne).
1, ligne d’abscisse et secondes; 2, tracé de la pression dans le bout central de l’artère faciale: 3, tracé de
la pression dans le bout périphérique de la veine faciale; de i à i’, durée de l’injection de chloral.
ment un inconvénient assez sérieux, dans la pratique de certaines expériences de phy¬
siologie, et doit faire parfois renoncer au chloral.
A un autre point de vue, les modifications vasculaires et circulatoires de la chloralisa¬
tion ont intéressé les physiologistes et les thérapeutes, et c’est à la recherche des
causes immédiates du sommeil qu’ils se sont plus particulièrement attachés, à savoir
quel est l’état de la circulation cérébrale pendant la narcose ou l’anesthésie. Or les
uns ont prétendu que le chloral provoque Je sommeil en anémiant le cerveau (Hammond),
tandis que d’autres soutiennent, avec plus de raison certainement, que l’hypnose et
l’anesthésie chloralique s’accompagnent d’hypérhémie cérébrale (Gubler, Bouchut, Lan-
glet, Labbé, Offret, Arlojng, etc.).
Nous avons déjà dit plus haut qu’il n’y a pas lieu de rechercher, dans les modifica¬
tions cérébrales produites par le chloral, la cause du sommeil qu’il détermine; les deux
ordres de phénomènes sont concomitants, mais indépendants; l’un n’est pas la consé¬
quence de l’autre.
Le chloral est un congestif, nous l’avons démontré, son action s’accompagne d’une
vaso-dilatation générale avec hypérhémie des téguments et des organes parenchyma¬
teux; il est évident que la circulation cérébrale et le cerveau participent à ce mouve¬
ment d’ensemble et se congestionnent comme les autres parties et les autres organes.
La question nous paraît donc tranchée.
Cependant, s’il y a lieu d’admettre l’hypervascularisation des organes, par vaso-dila¬
tation, il faut bien se garder de croire à la possibilité de stases sanguines dans les vais¬
seaux capillaires, au moins dans tous les cas où le médicament est administré à dose
thérapeutique.