CHALEUR.
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grand nombre d’êtres. Voilà la polypnée thermique proprement dite. Elle est, dans les
conditions normales de la vie des animaux, uniquement réflexe. Mais si, pour une
cause ou pour une autre, la température a continué à croître, alors, à cette polypnée
réflexe vient s’ajouter la polypnée centrale, qui se manifeste quand la température monte
à 41°,5 ou 42°. Peut-être serait-il bon d’appeler la première polypnée centrale orga¬
nique [ celle qui paraît être constante chez tous les animaux à sang chaud) et, la seconde,
polypnée centrale fonctionnelle, caractérisée par un rythme spécial, et liée spécialement à
la réfrigération de quelques animaux.
Cette polypnée thermique, survenant chez l’animal échauffé, est une fonction si
impérieuse qu’elle fait cesser toute autre action nerveuse. Les chiens polypnéiques n’ont
plus d’autre souci que de respirer rapi¬
dement, et ils ne s’arrêtent quelques
secondes dans leur rythme respiratoire
précipité que pour faire de temps à autre
un mouvement de déglutition. Alors, pour
un temps très court, probablement par
suite d’une inhibition du centre respirateur
par l’activité du centre de la déglutition, la
respiration s’arrête; puis elle reprend avec
la même fréquence que tout à l’heure
quand la déglutition a cessé.
II s’agit de prouver maintenant que,
contrairement à l’opinion d’auteurs qui
avaient écrit avant moi sur la dyspnée
thermique, la fréquence de la respiration
n’est pas déterminée par un besoin d’oxy¬
gène. Or, non seulement elle n’est pas déter¬
minée par le besoin d’oxygène, mais encore
elle n’a lieu que si le sang est saturé
d’oxygène.
A priori on pouvait concevoir qu’il
devait en être ainsi ; car un chien qui
respire la gueule ouverte 400 fois par mi¬
nute a son sang assurément saturé d’oxy¬
gène ; mais voici l’expérience directe qu’on
peut faire.
Soit un chien échauffé, respirant [300
fois par minute. Il est trachéotomisé, et
un robinet, comme dans l’expérience de
Bichat, est adapté à sa trachée. Si alors,
un milieu de sa polypnée, on ferme brus¬
quement le robinet de manière à oblitérer complètement le passage de l’air dans les
poumons, on n’arrêtera pas par cela même le rythme respiratoire. La polypnée conti¬
nuera pendant une demi-minute ou une minute, et cependant cette respiration est abso¬
lument inefficace au point de vue des échanges chimiques, puisque l’oblitération de la
trachée est complète. Donc l’animal avait en réserve dans son sang des quantités
d’oxygène suffisantes pour satisfaire pendant une minute aux échanges de ses divers
tissus. Si l’on avait fait la même expérience sur un chien normal, on aurait vu immé¬
diatement, ou au bout d’une demi-minute tout au plus, la respiration prendre le
rythme et la forme des respirations asphyxiques.
Mais, dans la polypnée thermique, quand la trachée est oblitérée, on ne voit pas le
moindre phénomène asphyxique pendant la première minute. 11 faut deux, trois ou
même quatre minutes pour que la respiration lente de l’asphyxie survienne. Donc
l’animal était en état d’apnée, puisque l’oblitération de la trachée n’a amené de phéno¬
mènes asphyxiques qu’au bout d’un très long temps.
Une autre conséquence intéressante de cette simple expérience, c’est qu’elle prouve
que, dans le cas de la polypnée thermique, ce n’est plus l’état chimique du sang qui pro-
Fig. 20. — Polypnée thermique.
Chien exposé au soleil.
A l’ordonnée verticale, à droite les respirations (nom¬
bre par minute). Le trait fort indique le nombre des
respirations. Le trait léger la courbe de la tempé¬
rature.
On voit que, tant que l’animal a une muselière, sa
respiration ne peut dépasser 100, et que sa tempé¬
rature s’élève. Mais, dès qu’ou ôte la muselière, la
respiration monte à 240, et aussitôt la température
baisse.