CERVEAU.
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logiste. Toutes ses observations sont empruntées à la série entière des êtres organisés.
Le traité de l'Ame est un grand livre de psychologie comparée.
C’est de l’école même d’ARiSTOTE que sortent Théophraste (373-288) et Straton de
Lampsaque (280). Théophraste, qui a fondé la botanique et la physiologie végétale,
sans parler de la minéralogie, comme Aristote la zoologie, incline, en psychologie, à
résoudre par la doctrine de l’immanence les principaux problèmes de la biologie. Théo¬
phraste est un physiologiste informé et curieux dont on ne lit pas sans profil ce qui
reste de ses essais sur le vertige, sur la fatigue, sur la sueur, en particulier tles expé¬
riences sur les sensations de l’odorat. Ce même courant d’études s’observe chez Aris-
toxène, autre disciple du maître, qui, étudiant l’acoustique, composa une théorie de la
musique déduite tout entière, non de spéculations philosophico-mathématiques, mais
d’une étude approfondie de l’ouïe.
C’est chez Straton de Lampsaque, le physicien, comme on l’appelait, qu’apparaît le
mieux la direction des études suivies par les successeurs d’ARiSTOTE : ils se détournent
de plus en plus des spéculations métaphysiques pour s’adonnera l’étude de la nature. Le
successeur de Théophraste dans l’école conçut l’activité de l’àme comme un mouvement,
et dériva toute vie des forces immanentes du monde. 11 ne distingua plus la sensation
de la pensée et n’admit point de vou? séparé. En physiologie comme en psychologie,
Straton arrive à des vues d’une singulière justesse. Loin de placer dans le cœur le prin¬
cipe de la sensibilité, c’est dans le cerveau,« entre les sourcils », qu’il situait le siège des
sensations et de l’entendement : là persistent les traces des impressions. Tous les actes de
l’entendement sont des mouvements. Straton établit que, pour être perçues, les impres¬
sions des sens doivent être transmises au cerveau, et que, « si l’intelligence faisait défaut,
la sensation ne pourrait absolument pas exister ». De ce principe il tira une théorie fort
remarquable de l’attention. Voici quelques observations de Straton sur les illusions loca-
lisatrices des sens i « Ce n’est pas au pied que nous avons mal quand nous le heurtons
ni à la tête quand on se cogne, ni au doigt lorsqu’on se coupe. Toute notre personne
est insensible («vafa0Tjia yàp xà Xoircâ) à l’exception de la partie souverainement maî¬
tresse : c’est à elle que le coup va porter, avec promptitude, la sensation que nous
appelons douleur. »
Avec les disciples d’Aristote les sciences naturelles étaient donc définitivement
entrées dans l’ère de l’expérimentation et de l’observation objective des faits : à Alexan¬
drie elles vont être étendues et approfondies par les plus rares génies peut-être qui aient
paru dans le monde. On ne saurait trop insister, après Draper, sur l’importance capitale
de l’œuvre de l’école d’Alexandrie dans l’histoire des sciences de la nature et de la vie.
La philosophie grecque avait fini, comme elle avait commencé, par le naturalisme. La
doctrine d’ÉpicuRE forme la transition entre l’ancienne philosophie des Hellènes et l’épo¬
que des recherches fructueuses sur le terrain solide des sciences de la nature. C’est à
Alexandrie qu’elles ont fleuri pour la première fois : c’est d’Alexandrie qu’elles sont venues
dans l’Europe moderne comme des semences fécondes. Le grand présent que cette ville
d’Égypte a fait au monde, c’est la méthode scientifique.
Ce progrès décisif dans l’histoire de la civilisation s’étendit à toutes les sciences. Ce
fut le triomphe de la méthode inductive, reposant sur l’idée de l’existence de lois dans
la nature. Le complément de la méthode inductive, l’expérimentation, ne fit point défaut.
Les progrès de la mécanique, l’invention des instruments de précision, la pratique des
expériences, donnent une portée et une solidité jusqu’alors inconnues à l’observation
méthodique des phénomènes. Avec Hérophile et Érasistrate, l’anatomie et la physiologie
deviennent les fondements mêmes de la science de la vie. « Hérophile et son grand con¬
temporain Érasistrate, les chefs de l’École d’Alexandrie, dit W. Preyer, occupent un rang
considérable dans l’histoire de la physiologie, parce que, les premiers, ils firent des dis¬
sections sur des êtres vivants (chèvres, boucs,hommes condamnés à mort). »Praxagoras
de Cos, qui vivait vers 335 avant notre ère, distingua les artères des veines; il prétendait
que, pendant la vie et à l’état normal, les artères sont remplies d’air, non de sang, et
qu’elles se convertissent en nerfs ou ligaments à leur terminaison; le cerveau n était
qu’une simple excroissance de la moelle épinière. Le disciple de Praxagoras, Hérophile,
qui avait vingt-deux ans quand Aristote mourut, pratiqua la physiologie expérimentale
et fit avancer la connaissance du cerveau et du système nerveux central. Hérophile fut