campagne lunette, Jeu), 1a. cnalne uans un bateau, courut
le long du bord jusqu'au gouvernail, en prit la barre,
resta debout; puis, apres avoir contemple le ciel, ilbdit
d'une voix forte a ses rameurs, quand ils furent en
pleine mer: Ramez, ramez fort, et depechons! la mer
sourit a un mauvais grain, la sorciere! Je sens la houle au
mouvement du gouvernail, et Forage a mes blessures.
Ces paroles, dites en termes de marine, espece de langue
intelligible seulement pour des oreilles accoutumees au
bruit des flots, imprimerent aux rames un mouvement
preeipite, mais toujours cadence; mouvement unanime,
diiferent de la.maniere de ramer precedente, comme le
trot d'un cheval l'est de son galop. Le beau monde
assis a Parriere prit plaisir a voir tous ces bras nerveux,
ces visages bruns aux yeux de feu, ces muscles tendus,
et ces differentes forces humaines agissant de concert,
pour leur faire traverser le detroit moyennant un faible
peage. Loin de deplorer cette misere, ils se montrerent
les rameurs "en riant- des expressions grotesques que la
manoeuvre imprimait a leurs pbysionomies tourmentees.
A l'avant, le soldat, 1e paysan et la vieille contemplaient
les mariniers avec cette espece de compassion naturelle
aux gens qui, vivant de labeur, connaissent les rudes
angoisses et les lievreuses fatigues du travail. Puis,
habitues a la vie en plein air, tous avaient compris, a
l'aspect du ciel, le danger qui les menacait, tous etaient
donc serieux. La jeune mere bergait son enfant, en lui
chantant une vieille hymne dH-i-glise pour l'endormir.
Si nous arrivons, dit le soldat au paysan, le bon Dieu
aura mis de llentetement a nous laisser en vie.