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DIX-NEUVIEINIE
SIECLE.
esprit de parti, lorsque la Passion politique, intervenant malencon-
treusement 1a oü elle 111a que faire, armera des seetaires et invoquera,
tantöt la censure d'en haut, tantöt 1a censure d'en bas, Clzarlotte
Corday de Ponsard risquera, en 1850, de ne point affronter l'a{1iche
pour avoir deplu a l'Assemb1ee nationale, le T artufe sera sur le
point d'etre interdit en 1852; Henriette Jllaräclzal, Habagas, T lzernzi-
dor, seront ainsi retires de la scene, mais on ne reverra jamais la
grande lutte de 1830.
La bataille dllernani, tout en portant un eoup au classieislne,
devait habituer le public 51 reprendre le chemin du Theatre-Fran-
gais. Depuis 1a Restauration, en effet, le vide s'etait fait autour
de 1a maison de Moliere, si brillante quelques annees auparavant :
les rares etrangers qui s'y glissaient par habitude revenaient desen-
chantes. E111848, Charles Forster ecrira : a Le theatre est presque vide,
quoique des chefs-(Toeuvre soient annonces, et quand enfin 1a t0i1e
est levee, c'est pour voir deliler une suite non interrompue des plus
desesperantes mediocrites. a)
Les vieux habitues, le Parterre de 1'Empire et de la Restauration,
les magistrats, le barreau, le corps medieal, les fonctionnaires, Pecole
litteraire oilicielle, afest-a-dire tous ceux qui avaient assiste aux repre-
sentations caracteristiques dhutrefois, alors que Mm Mars ornee de
violettes bonapartistes excitait les transports de la vieille garde , alors
que MM Mante, a blanche comme un lys, a) faisait les delices des
gardes du corps de Charles X, tenaient bon, mais Pelement jeune
et, surtout, Pelement feminin, avaient abandonne peu a peu un
theatre ou tout revetait des allures solennelles, ou les tragedies
pretendaient s'eterniser, oü la eomedie, mutilee par la censure, ne
produisait que des oeuvres d'un ordre inferieilr.
Certes, malgre 1830, malgre le drame, 1a tragedie aura encore
des beaux jours, mais, si les partisans acharnes de ce genre crurent,
un instant, a une restauration, le publie, lui, ne s'y trompa point.
Ce qu'il allait voir dans la Lucräce de Ponsard, ce ifetait nullement
1a tragedie, mais bien lletrangete d'un procede antique debordant
de romantisme; ce qui le portait a nouveau en foule aux tragedies