DIX-
NEUVIEME
SIECLE.
Autrefois, Penfant ötait considärä comme un ätre incomplet ce
qußil est en räalitä notre siäcle en a fait un ätre privilägiö
qu'on se plait ä voir grandir, qu'on aime entendre babiller. ll y a,
avant tout, de lvhomme dans Pesprit philosophique du siäcle passä,
mäme alors que 1a femme, comme sous 1a Rägence, impose ses-
eälägances : perdue dans 1a hiärarchie des classes sociales, Pen-
fance n'a exercä sur lui aucune action directe.
M. Ernest Legouvä qui a äcrit sur les päres et les enfants au
XIXO siäcle, des ouvrages justement appröciäs, me semble avoir fort
bien saisi cette diffärence.
a Les enfants, u) ecrit-il, a occupent aujourd'hui une place beau-
coup plus grande dans la famille : 011 vit plus avee eux, 011 vit plus
pour eux; soit redoublement de prevoyance et de tendresse, soit
faiblesse et relachement d'aut0rite, 011 s'0ccupe plus de leur sante,
011 surveilleplus leur education, 011 songe plus a leur bien-etre, 011
ecoute plus leur opinion. Ils sont presque devenus les personnages
principaux de la maison. U11 homme d'esprit caracterisait ce fait
par un seul n10t; il disait : a Messieurs les enfants! 1)
Avec ces idees nouvelles, Penfant 11e sera plus, comme autrefois,
un membre sans influence de la famille, tenu a distance PGSPGO-
tueuse du chef; il apparaitra avec toute son individualite, rapproche
des parents par Paffection. 'l'utoye par les siens, il les tutoye pres-
que partout , quoique quelques familles aristocratiques croient dovoir
rester fldeles, par egard pour les principes, a Pantique tradition
du vous, quoique certaines familles bourgeoises aient adoptle cette
appellation ceremonieuse, pensant ainsi se donner une noblesse
Mais ce qui earacterise le mieux le profond eha11geme11t introduit
dans nos rnoeurs, c'est le fait quhutrefois 011 ne portait pas le deuil
des enfants, tandis qu'auj0urd'hui, pour employer les expressions
dont se sert M. Legouve, (c un pere, une mere, auraient horreur de
voir leurs corps pares de couleurs riantes, quand leur äme est dans le
desespoir; 011 peut meme dire que les seuls deuils eteruels sont ceux
qui suivent la perte d'un enfant. v