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HI8T0lRE
IJHAB1TAT1oN
Caustis connait tout le monde a Rome et est rec;u pars
tout, parce qu7il a toujours le soin, tout en Hattant celui aus
quel il sladresse, de medire des autres, et cela, non sans
gräce, avec un tour plaisant dont nul ne saurait se fäcl1er.
Cet s7affrancl1i s7est fort lie avec Eperg0s et Doxi, actuellement
etablis ä Rome, et quand ces trois compagnons se renc0ns
trent ä la taverne pendant les söj0urs que Caustis fait a la
ville, ce sont des conversati0ns sans tin sur le passe, sur le
present, sur la Grece et sur Rome. Au fond, Caustis est un
pur Grec, et sous son persifflage perpetuel se cacl1e une l1ajne
pr0fonde des Romains ; l1aine, dont peutsiEtre luismeme ne
se rend pas un compte exact, mais qui saisit toutes les occas
sions de faire ressortir les ridicu1es, les taiblesses, les pr6s
tentions et les vices du grand peuple.
Epergos, qui avait devine les sentiments intimes de son
nomine, au commencement de leur liaison, apres lui avoir
laisse un soir epancher toute sa verve, se mit ä lui parler
serieusement et ä l7entretenir des beaux temps dlAthenes et
du genie de ce peuple, de la place qu7il avait conquise dans
le domaine de llintelligence, de son influence dans le monde
et enfm de ses fautes, cause de ses malheurs. Caustis, pens
dank ce disc0urs, pleurait en silence., car Epergos avait sondci
pro.f0ndement la blessure toujours ouverte que le pauvre
Grec cacl1ait depuis des annees sous un flot de railleries, et
depuis lors, ces deux hommes s7eraient liess d7une csEtroite
amitie que llamertume perpetuelle de Doxi ne faisait que
rendre plus vive.
Doxi, passablement desoriente au milieu de ce monde qui,
marcl1ait toujours, ayant vu tomber successivement ces
puissances qu7il avait considerees Si longtemps comme les
gardiennes de llordre dans la directi0n des alTaires l1umaines :
l7empire des Assyriens, celui des Perses, les gouvernements
d7Egypte, regardes par lui comme la derniere expression
de la sagesse, sletait pris dladmiration pour les Romains,