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STYLE
occupait, a ce qui Yentourait, a l'ensemble dont elle etait une partie
harmonique l
Que l'on reconstruise le Parthenon sur la butteMontmartre, nous
1e voulons le Parthenon avec ses proportions, sa silhouette,
sa grace fibre, moins l'Acropole, moins le ciel, l'horizon et la mer de
FAtLique, moins la population athen1enne.....; mais enfin ce sera toujours
le Parthenon. Ce sera le lion place dans un jardin d'acclimatation. Mais
arracher au Parthenon son ordre dorique, et plaquer cette depouille le
lgng d'un mur perce de fenetres, quel nom donner a cette fantaisie bar-
bare? que devient alors le style du monument grec? Et, ce que nous
disons pour le Parthenon, ne peut-on le dire egalement de tous ces em-
prunts faits 51 peu pres au hasard? Croit-on que le style d'un edifice
säämiette avec ses membres ? que chacun d'eux conserve une parcelle du
style que l'ensemble possedait ? Non : en edifiant des monuments avec
des bribes recueillies de tous cotes, en Grece, en Italie, dans des arts
eloignes de notre temps et de notre civilisation, nous n'accumulons que
des membres de cadavres; en arrachant ces membres au corps qui les
possedait, nous leur otons la vie, et nous ne pouvons en recomposer
une oeuvre vivante.
Dans l'ordre cree qui nous entoure, et qui est mis, pour ainsi dire, a
notre disposition, tout ce que l'homme touche, arrange, modifie, perd
le style, a moins que lui-meme ne puisse manifester un style en intro-
duisant un ordre sorti de son cerveau au milieu du desordre qu'il a
produit. Quand l'homme fait un jardin, de ceux qu'on appelle anglais,
il enleve a la nature son allure, son sens toujours logique, pour mettre
a sa place sa fantaisie; le style disparait. Mais si, en tracant un jardin,
l'homme fait intervenir son genie propre, s'il se sert des produits naturels
comme de materiaux, et qu'il invente un ordre qui n'existe pas dans la
nature, des avenues rectilignes, par exemple, des quinconces, des cas-
cades symetricjues entremelees de formes architectoniques, il a fait perdre
a la nature le style, mais il a pu y substituer (en s'appuyant sur des prin-
cipes qu'il a etablis) celui que son genie sait parfois evoquor. A plus forte
raison, si l'homme touche a Fcnuvre de l'homme, s'il veut en prendre
des parties, comme on prend des materiaux a la carriere ou des arbres
dans la foret, enleve-t-il a cette oeuvre le style. Pour que le style repa-
raisse, il faut qu'un nouveau principe, comme un souffle, vienne animer
ces materiaux.
Les rnaitres du moyen age l'ont bien entendu ainsi. Ils avaient a leur
disposition l'art roman, descendance de l'architecture de l'empire, epuree
par un apport grec-byzantin. Cet art ne manquait ni de grandeur, ni
meme doriginalite. Les Occidentaux avaient su en faire un produit
presque indigene. Cependant, apres le grand essor qu'il avait pris des les
premieres croisades, cet art, arrive bien vite a une certaine perfgctign
relative, elait a bout de souffle. Il tournait dans un cercle peu etendu,
parce qu'il ne reposait pas sur un principe neuf, entier, absolu, et qu'il
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