STYLE
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sons, nous Pelevons, et, apres un exercice constant, nous parvenons a
en faire un chef attentif qui regle la machine et donne a ses produits les
conditions de vie et de duree.
Donc, tout en reconnaissant qu'une oeuvre d'art peut etre a l'etat
embryonnaire dans l'imagination, elle ne saurait se developper et
arriver a Petat viable sans l'intervention de la raison. C'est la raison
qui munit cet embryon de ses organes necessaires, qui etablit les rap-
ports entre les parties, qui lui donne ce qu'en architecture on appelle
les proportions. Le style est la marque apparente de cet accord, de cette
unite entre les parties d'une muvre; il derive donc de l'intervention
de la raison.
L'architecture des Egyptiens, celle des Grecs, possedent le style, parce
qu'elles sont deduites avec une inflexible logique du principe de stabi-
lite sur lequel elles se sont fondees. On n'en peut dire autant de tous les
monuments romains de l'empire. L'architecture du moyen zlge, au mo-
ment oii elle abandonne les traditions abatardies de Fantiquite, c'est-a-
dire du xnc au xv" siecle, possede le style, parce que, plus qu'une autre
peut-etre, elle procede avec cet ordre logique que nous entrevoyons dans
les ceuvres de la nature. Aussi, de meme qu'en voyant la feuille d'une
plante, on en deduit la plante entiere; l'os d'un animal, l'animal entier :
en voyant un proül, on en deduit les membres d'architecture 1 ; le men1-
brc d'architecture, le monument.
Si, a l'oeuvre, la force creatrice naturelle n'a pu obtenir des formations
d'ensemble qu'a l'aide de parties; si (sans parler des etres organises),
pour faire la croüte primitive de notre globe, elle a procede par juxta-
position de corps cristallises suivant une forme unique; et si les masses
obtenues ne sont que la consequence rigoureuse de la partie, a plus forte
raison, nous, qui ne faisons qu'exploiter la matiere premiere pour l'em-
ployer a nos usages, devons-nous ne l'employer que suivant sa forme et
ses qualites. J usqu'a un certain point nous pouvons violenter les ma-
tieres premieres, les metaux, par exemple; nous pouvons les soumettre
a des formes arbitraires. Mais la pierre, mais le bois, nous sommes bien
forces de les prendre tels que 1a nature nous les fournit, de les poser
suivant certaines lois qui ont commande la formation de ces substances,
et, par suite, de concevoir une structure qui s'accorde avec leurs qua-
lites. Le style ne s'obtient qu'a ces conditions, savoir : que la rnatierc
etant donnee, la forme d'art qu'elle revet ne soit que la consequence
harmonieuse de ses proprietes adaptecs a la destination; que l'emploi
de la matiere soit proportionnel a l'objet. En eifet, les proportions sont
relatives et non absolues ; non point relatives comme nombre, mais rela-
tives en raison de la matiere, de l'objet et de sa destination. Dans l'art
de l'architecture, on ne saurait etablir cette formule : 2 est a li comme
1 On reconuaitra, en parcourant l'article Tmur, que. cc que nous disons ici n'est point
une exagäration.