[ STYLE ] A80
pour developper sa conception; s'il ne l'est pas, son oeuvre n'est qu'un
amas d'emprunts dont il est aise de reconnaitre l'origine : elle manque
de style.
Le style est, pour Fasuvre d'art, ce que le sang est pour le corps hu-
main; il le developpe, le nourrit, lui donne la force, la sante, la dure-e;
et comme on dit: le sang humain, bien que chaque individu ait des
qualites physiques et morales diiferentes, on doit dire: le style, quand
il s'agit de cette puissance qui donne un corps et la vie aux oauvres d'art,
bien que chacune de ces oeuvres ait un caractere propre.
Nous n'avons pas ici a apprecier jusqu'a quel point la peinture, la
sculpture et la poesie sont des arts d'imitation inspires directement par
des effets en dehors de nous et dont nous sommes les temoins. Il suffit
de dire ce que personne ne contestera, pensons-nous que l'archi-
tecture n'est point un art d'imitation; les effets exterieurs ne peuvent
avoir sur son developpement qu'une influence secondaire. L'art de l'ar-
chitecture est une creation humaine; mais telle est notre inferiorite, que,
pour obtenir cette creation, nous sommes obliges de proceder comme
la nature dans ses (BIIVPGS, en employant les memes elements, la meme
metbode logique; en observant la meme soumission a certaines lois, les
menues transitions. Le jour ou le premier homme a trace sur le sable
un cercle a l'aide d'une baguette pivotant sur un axe, il n'a pas invente
le cercle, il a trouve une figure eternellement existante. Toutes ses
decouvertes en geometrie sont des observations, non des creations; car
les angles opposes au sommet n'ont pas attendu que l'homme eüt con-
state leur propriete pour etre egaux entre eux.
L'architecture, cette creation humaine, n'est donc, de fait, qu'une ap-
plieation de principes qui sont nes en dehors de nous et que nous nous
approprions par l'observation. La force d'attraction terrestre existait,
nous en avons deduit la statique. La geometrie tout entiere existait
dans l'ordre universel, nous en avons observe les lois et nous les appli-
quons. Il en est de mcme pour toutes les parties de cet art; les propor-
tions, la deeoration meme, doivent decouler de ce grand ordre universel
dont nous nous approprions les principes, autant que nos sens incom-
plets nous le permettent. Ce n'etait donc pas sans raison que Vitruve
disait que l'architecte devait posseder a peu pres toutes les connaissances
de son temps, et qu'il placait en tete de ces connaissances la philosophie.
Or, chez les anciens, la philosophie comprenait toutes les sciences d'obser-
vation, dans l'ordre moral aussi bien que dans l'ordre physique.
Si donc nous penetrons quelque peu dans la connaissance des grands
principes de l'ordre universel, nous reconnaissons bien vite que toute
creation se developpe suivant une marche logique, et que, pour etre, elle
se soumeta des lois anterieures 51 Pidee creatrice. Si bien qu'on pourrait
dire: a A l'origine, les nombres et la geometrie existaient. l) Les Egyp-
tiens, et apres eux les Grecs, l'avaient bien compris ainsi; pour eux, les
nombres et les ügures geometriques etaient sacres. Nous pensons que le