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STY
emouvoir, il faut qu'il soit le style, cbst-a-dire qu'il agisse sur tous.
Dix peintres font le portrait d'une meme personne, dans des conditions
identiques. Tous ces portraits sont ressemblants. Un seul rappelle aux
personnes qui connaissent l'original, non-seulement ses traits materiels,
mais sa physionomie, ses faeons d'etre, son esprit, son caractere enjoue
ou melancolique. Ce peintre possede le style.
Nous revenons a notre premiere definition, savoir : Le styZe est lu ma-
nzfestatzknz d'un idäal ätablz" sur un principe. En effet, dans l'exemple que
nous venons de donner, si la physionomie, le caractere, les allures ap-
partiennent bien a l'original du portrait, Foperation qui consiste a se
penetrer de ces qualites et de ces attributs, de telle sorte que, sur un
panneau, l'apparence de ces qualites et attributs soit exprimee; cette
operation appartient a l'artiste et est la consequence d'un principe au-
quel il se soumet. Nous appelons cette operation un ideal, parce qu'il a
fallu que l'artiste fit de ces qualites et attributs un tout, un ensemble
dans lequel certains traits ont etc attenues, tandis que d'autres ont du
etre mis en relief. On nous pardonnera de prendre ici un cote vulgaire
de cette faculte pour en faire comprendre la valeur. Une charge, si elle
est bonne, a toujours du style, parce que l'artiste qui Pexecute a pris
les cotes les plus saillants d'une physionomie pour les exagerer au dela
de toute vraisemblance. Tous les peuples vraiment artistes ont fait des
charges, celles-ci ne sont que le dereglement d'une faculte qui appar-
tient aux poetes, aux artistes seuls. On sentira facilement combien la voie
est etroite entre le realisme absolu qui consisterait a photographier l'ob-
jet, Fidealisme pousse jusque la charge, et la platitude qui se met a la
remorque d'un pretendu classicisme et s'abrite derriere son autoritc.
L'impression que produit un objet sur les artistes varie en raison des
facultes de chacun d'eux; donc, l'expression ditfere z mais ceux-la seuls
possederont le style qui feront penelrer chez le spectateur l'impression
qu'ils ont ressentie. Le poete, le peintre, le sculpteur, eprouvent des
sensations vives, promptes et claires; mais ces sensations, procedant de
Fexterieur, ne sont qu'une empreinte; cette empreinte, avant de prendre
une forme d'art, subit une sorte de gestation dans le cerveau de l'artiste,
qui peu a peu se Passimile, en fait une creation du second ordre qu'il
met au jour a l'aide du style. Si cette faculte d'assimilation fait defaut
au poete, au peintre, au sculpteur, leurs oeuvres ne sont que le reilet
d'une sensation emoussee, et ne produisent aucune impression.
Pour l'architecte, comme pour le musicien, le phenomene psycho-
logique est different. (les artistes ne recoivent pas directement d'une
scene, d'un objet ou de la nature, une sensation propre a se transformer
en cnuvre d'art. C'est de leur cerveau que doit sortir cette (DLIYFO, c'est
leur faculte de raisonner qui la fait naitre a l'etat embryonnaire, qui
la (leveloppe en la nourrissant d'une serie d'observations emprunter-S
a la nature, a la science et a des creations anterieures. Si l'architecte est
un artiste, il s'assimile cette nourriture qu'il va chercher de tous cotes