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cetait aussi un calcul judicieux. Les sommiers sont (lestines naturelle-
ment a recevoir des charges verticales et obliques; par cela meme
les pierres employees pour les tailler sont soumises a des pressions qui
peuvent les ecraser. ll ya donc un avantage a laissera ces morceaux
(l'appareil la plus forte Inasse possible, meme en dehors des points ou
les pressions agissent. Mais, en architecture, des ensembles aux details,
ce que la raison indique n'est-il pas toujours d'accord avec le sentiment,
avec le besoin des yeux? Nos maitres du moyen age le croyaient cer-
tainement, ou plutot ils ne separaient pas ces deux faeultes: l'une qui
conseille, et l'autre qui approuve si le conseil est bon. A voir leurs
oeuvres dans les menus details comme dans les grands partis, on recon-
nait bientot qu'ils ne dedoublaient pas l'esprit de lüirtiste en mettant
d'un cote la reilexion, l'observation, le raisonnement, le calcul, de l'autre
cette sorte d'inspiration vague, indescriptible, poetique, si l'on veut,
que nous appelons le sentiment. Les deux facultes ne pouvaient, chez
l'architecte du moins, qu'agir simultanement pour produire une reuvre.
Aussi dans ces oeuvres tout se. tient, tout s'encl1aine comme au sein d'un
organisme, et il n'est pas une partie dont on puisse dire: a Que fait-
C110 111 f? n
Dans l'ordonnance inferieure du portail occidental de la cathedrale de
lteims, on peut signaler plus d'un defaut. Ces trois ebrasements immenses
des portes ne se relient pas parfaitement avec ce qui est place au-dessus.
On sent la une reprise, un changement dans la composition primitive, et
un desir de produire un twllet surprenant par l'accumulation surabon-
dante. des details. Cependant, si l'on examine ce portail, fort altere
d'ailleurs par de mechantes restaurations, que d'idees, que de savoir,
que de hardiesses heureusement abordees et plus heureusement expri-
mees en pierre l Les sommiers qui forment la naissance de la partie ante-
rieure des trois voussures sont, comme composition et comme execution,
une des plus belles parties de cette muvre prodigieuse. L'architecte a su
donner a ces naissances, relativement etroites, la puissance d'un support
par l'arrangement des sculptures. Celles-ci se combinent avec la con-
struction, en font apercevoir la resistanee. Tout cela est raisonne, vrai,
facile a comprendre, logique, et tout penetre d'un sentiment d'art sür
de l'ell'et qu'il veut produire.
Il s'agissait, entre deux archivoltes immenses et qui se touchent pres-
que, de trouver un point (l'appui, un point resistant a l'oeil, sans tomber
dans la secheresse d'un pilastre, d'une colonne, d'un support rigide et
vertical. Il fallait d'ailleurs, conformement au principe excellent des
constructeurs de cette epoque, consistant a ne jamais couper la sculp-
ture ou les membres complets d'architecture par des joints ou des lits,
se conformer a l'appareil qui convenait a une colossale superposition de
sommiers. ll fallait faire naitre ce support ou cet ensemble de supports,
de rien; developper peu a peu la resistance, non-seulement en apparence,
mais de fait; gagner par consequent de la saillie; obtenir de la fermete