[ SIEGE ] A32
Nous avons vu qu'a Toulouse, au commencement du X1116 siecle, c'est
le peuple de la ville qui resiste aux troupes de Simon de Montfort, c'est
la municipalite qui organise la defense. J usqu'au siege d'Orleans, sur le
sol de la France, il ne se presenta plus un fait semblable. On comprend
facilement que ce reveil des populations urbaines dut exciter Fetonne-
ment et meme les colercs de la feodalite. Pour les chevaliers francais,
Jeanne etait au moins un embarras; c'est au peuple qu'elle s'adresse,
c'est le peuple qu'elle excite a la defense du territoire. Pour les gentils-
hommes anglais, la Pucelle etait une instigatrice de revoltes, une revo-
lutionnaire. Ils sentirent toute la gravite de cette influence nouvelle qui
soulevait des populations entieres pour la defense du sol. Elle fut con-
damnec au nom de cette raison politique qui croit toujours qu'avec des
supplices ou des prescriptions on peut etouffer des principes nouveaux 1.
Les Anglais ne furent pas les plus coupables dans cette honteuse proce-
dure alaquelle presida Yeveque de Beauvais, mais bien la noblesse et le
cierge de France, qui virent dans cette etrange ülle comme Yame du
peuple se soulevant enfin en face des trafics odieux qui ruinaient le pays
et perdaient le royaume.
La guerre civile a Fctat permanent avait d'ailleurs mis les armes entre
les mains de tous. Les paysans pilles, les manants sans ouvrage et sans
pain, a leur tour endossercnt la brigantine, et coururent la campagne
et les bourgades, mettant a leur tete quelque noble ruine comme eux
ou quelque capitaine de soudards. Ces compagnies desolerent tout le
nord et l'est de la France, sous le nom dkfcorclzeurs, pendant la plus
grande partie du regne de Charles VII, et formerent le premier noyau
1 o Tres haut et tres puissant prince et nostre tres redoubtä et honore seigneur, nous
u nous recommandons tres humblement a vostre noble haultece. Combien qui autreffois,
a nostre tres redoubte et honore seigneur, nous ayons par devers vostre liaultece escript
a et supplie tries humblement a ce que celle femme dicte la Pucelle estant, la merey
a Dieu, en vostre snbjeccioil, fust mise es mains de la justice de FEglise pour lui faire
u son proces deuement sur les ydolatries et autres matieres touchans nostre saincte foy,
c: et les eseandes reparer a l'occasion d'elle survenus en ce royaume; ensemble les dom-
a mages et inconveniens innumerables qui en sont cnsuis.....; car en veritä, au juge-
a ment (le tous les bons catholiques cognoissans en ce, si grant lesion eu la sainte foy, si
u enorme peril, inconvenient et dommaige pour toute la chose publique de ce royaume
u ne sont avenus de memoire (Pomme, si comme seroit, se elle (la Pucelle) partoit par
u telles voyes dampnees, sans convenable reparacion; mais serait-ce en verite grande-
a ment au prejudice de vostre honneur et du tres chrestien nom de la maison de France,
u dont vous et vos tres nobles progeniteurs avez este et estes continuelement loyaux
u protecteurs et tres nobles membres prineipaulx....... n (Procäs de condamnation de
Jermne d'Arc, publie par J. Quicherat, t. I. Lettre de l'animal-site de Paris au duc
de Bourgogne, p. 8.) Uuniversite de Paris, en reclamant la mise en jugement et la
condamnation de Jeanne Darc, agissait au nom des principes COIISOYVÄÜGÜFS. En effet, ou
allait-on si une pauvre villageoise pouvait impunement se faire suivre de tout un peuple
au seul nom (le lindependance nationale, et detruire ainsi toutes les combinaisons poli-
tiques des seigneurs frangais et anglais pour se partager le territoire? Mais, a cote de Ce