SIEGIZ
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contribua pour 200 ecus d'or'. Mais un fait plus remarquable indique
les tendances des villes de France a cette epoque funeste. Orleans, passant
pour etre la clef des provinces meridionales, beaucoup de munici-
palites y envoyerent des secours en argent et en nature: Poitiers, la
Rochelle, firent don de sommes considerables2; Albi, Montpellier, des
communes de YAuVergne, du Bourbonnais, Bourges, Tours, Angers,
firent parvenir a Orleans du soufre, du salpetre, de l'acier, des arbaletes3,
du plomb, des vivres, de l'huile, des cuirs, etc.
Depuis 1h10, Orleans se preparait en provision des eventualites de la
guerre. A dater de cette epoque (environ), les comptes de 1a ville sont
divises en depenses communales et depenses de forteresse. Les procu-
reurs4, choisis par les habitants, etaieut charges de la gestion de ces
fonds, et il faut reconnaitre que cette administration municipale procedat
avec une intelligence rare des interets generaux du pays, bien qu'alors le
systeme de centralisation ne fut point invente. Certes, la ville d'()rleans,
en se preparant a une defense energique, entendait garantir ses biens
propres, mais elle n'ignorent pas que sa soumission pure et simple au roi
d'Angleterre eüt ete moins prejudiciztble a ses interets materiels que les
chances (Yun long siege. Les villes tombees au pouvoir de la couronne
d'Angleterre etaient peut-etre moins malheureuses que celles qui
tenaient pour la couronne de France, impuissante a les proteger et a
reprirner les abus des gens de guerre de son parti. Ce ifetait donc pas
un sentiment de conservation dünterets locaux qui dirigeait la ville
d'Orleans et toutes celles restees iideles ala royaute frai1caise,lorsqife1les
pretendaient resister aux armes de Henri V, mais un mouvement na-
tional, le patriotisme le plus pur et le plus desinteresse. Depuis plus de
dix ans la France etait ruinee par 1a guerre civile et la conquete. Les
campagnes devastees, la famine partout, le pillage des gens de guerre,
Armagnacs, Bourguignons, Anglais, organise, semblaient avoir dü
reduire ces contrees a la misere et au decouragement; et cependant des
villes, des bourgades memes, sans esperancc de recevoir des secours
du pouvoir royal, enseveli dans une forteresse, ou de leurs seigneurs,
prisonniers des Anglais, ne comptant que sur leur patriotisme et leurs
bras, pretendaient opposer une barriere a la domination etrangere, qui
deja etait consideree par les trois quarts de la France comme un pouvoir
legitime. Si en 18111 notre pays n'eut pas ale enerve par 18 Systeme
dabserption de la vie locale dans le pouvoir central, invente par Louis XIV
1 Symphorien (fuyon, t. Il, p. 188.
2 Comptes de la commune : Poitiers, 900 livres tournois; la Rochelle, 500 livres
tournois.
3 Conzples de la commune : La ville de Montpellier envoie en 11127, ä Qrläans, quatre,
grandes arbalätcs d'acier pesant chacune 100 livres, plus cinq balles de salpätre et de
Süllfre pesant 750 livres. On rcgoit d'Auvcrgne et du Bourbonnais 498 cloches (carreaux)
d'acier pour faire des arbalätes.
4 Plus tard les procureurs ou procurateurs furent däsignäs sous le 110m däichevins.