[ SIEGE ] M8
Pont-de-FArehe et Vernon, et doivent etre pres de Pacy 1. Le trouvere
Guvelier ne parle pas de ce fait; mieux informe de ce qui se passe dans
Yarrnee franeaise que des gestes de Yarmee du captal, il presente la troupe
de du Guesclin envoyant des coureurs en avant qui ne decouvrent rien.
Mais Bertrand 2, arrive a Gocherel et ayant fait traverser VEure a ses
gens, malgre le rapport negatif des coureurs, se montre cette fois comme
commandant et dit aux eclaireurs: a Vous n'etes bons qu'a piller sur
les grands chemins; si j'eusse couru rnoi-meme, j'aurais bien su trouver
les Anglais. C'est ici leur chemin, ils y passeront, et nous les attendrons. n
En elfet, les Anglais se presentent bientot sur les coteaux, vers J ouy.
Uarmee de du Guesclin se trouvait postee alors dans des prairies qui
ont environ 1500 metres de largeur entre FEure et les coteaux assez
esearpes qui bordent la rive gauche de cette riviere. Les Franeais avaient
donc celle-ci a dos et etaient maitres du pont qui conduit au village de
Cocherel; sur les coteaux, des bois; sur les pentes, des haies. Uarmee
du captal se trouvait ainsi dans une position inabordable. Descendre en
plaine, attaquer les gens de du Guesclin, ce n'etait pas une manoeuvre
prudente, car, en examinant les loealites, on reoonnait qu'entre les pres
occupes par les Franeais et la colline, il y a une depression et des cou-
pures naturelles. Pendant deux jours et deux nuits, les armees s'obser-
vent. Du Guesclin s'oppose a toute attaque, 1e captal en fait de meme
de son cote. Cependant les batailles sont bien orclonnees de part et
d'autre, et chacun demeure a son poste. La seconde nuit Bertrand reunit
les seigneurs: u Des l'aube, dit-il, faisons passer notre harnais et notre
bagage de l'autre cote de FEure; nous, bien ordonnes suivant nos ba-
"tailles, nous les accompagnons sur les flancs et les couvrons en queue,
comme si nous battions en retraite. Nous voyant ainsi tourner le dos
et prets a passer une riviere, les Anglais ne pourront resister au desir
de nous attaquer et deseendront la montagne. Nous, alors, ayant laisse
iiler tous les bagages et les valets, nous ferons face en arriere, et nous
nous jetterons sur les Navarrais et les Anglais fatigues par une longue
course n Les choses se passeront ainsi que du Gueselin l'avait prevn;
1 Chron. de Froissart, liv. I", part. 2e, chap. CLXV.
"3 La narration du trouväre Cuvelicr parait plus explicite en ce qui regarde Farmdc de
du Guesclin que celle de Froissart. En effet, du Gucsclin, en partant dc Boucn pour
aller in lu rencontre du captal, sur la route d'EvreuX, devait passer i: Pont-dc-PArchc
et ä Vcrnon. mais ne dut pas pousser jusquüi Pacy, puisqu'il arrätc sa lroupc ä Cocherel
et traverse Pliure sur ce point.
a E! cil ont respondu (les barons) : Cilz consaulz si est bons
u Tout ainsi sera fait et lrestous Pottrions. n
u Ilonl on fait assavoir ä chascun ses faqons;
c Tout ainsi c'en aprenl. as enfans lor leqons,
a Ainsi fu ä chascun faite division. n
Ce passage est curieux : il fallait un capitaine de la trempe de du Gucsclin pour pou-
voir ainsi imposer un ordre donnä avec nettetä a une armäc ieveäe en grande partie par
des seigneurs plus disposräs ä. suivre leur fantaisie que les commandements d'un chef.