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SIEGE
les defendre au besoin, si Fassiege evente la mine; mais les mesures
sont si bien prises et la terre enlevee avec de telles precautions, que la
garnison n'a pas connaissance du travail souterrain. La mine est enfin
videe, etayee de bois graisscl; le feu y est mis, et la moitie de la tour
a en chey au lez devers le mont. n
Il est evident qu'aux yeux des gens de guerre de son temps, du Gues-
clin, qui faisait bon marche des routines et qui emportait en vingt-quatre
heures des places qu'on supposait pouvoir tenir pendant plusieurs mois,
etait (qu'on nous passe le mot) un gate-metier. C'est ce que disaient
les vieux generaux de la coalition, des officiers de nos armees republi-
caines: a On ne se bat pas comme cela l n
Ce n'etait pas seulement les commandants ennemis qui voyaient dans
du Guesclin un capitaine gatant l'art de la guerre, ses freres d'armes
manifestaient aussi parfois cette opinion. Mais du Guesclin, par sa fran-
chise, sa finesse, sa loyaute, et surtout ses succes eclatants, enlevait a ces
defiances ce qu'elles auraient pu produire de funeste. La noblesse n'etait
pas encore, a cette epoque, dominee par la vanite jalouse qui plus tard
fut si prejudiciable au royaume de France. Elle savait au besoin recon-
naitre la superiorite. d'un chef doue d'un veritable merite, et se sou-
mettre a son autorite. D'ailleurs, l'habile capitaine, qui sait attendre
son heure, reprend bien vite la place due a son genie. Tout chevalier et
bon chevalier qu'il etait, du Guesclin porta un coup aussi rude a la che-
valerie, deja fort abattue, qu'aux forteresses qui lui servaient de refuge.
Il suffit de voir comment fut conduite la petite armcc qui gagna la
bataille de Gocherel, pour reconnaitre la superiorite militaire de du
Guesclin. Bien que Charles V, a peine roi, non encore sacre, l'eut nomme,
aprcs la mort du roi Jean, marescfzal pour li, ce n'elait pas la un titre qui
put lui donner une autorite serieuse sur les gentilshommes qui compo-
saient sa petite armee, et parmi lesquels on comptait des grands sei-
gneurs, tels que le comte d'Auxerre. Aussi, a peine entre en campagne
pour s'opposer a la marche du captal de Buch, qui, ayant reuni ses
troupes a Evrcux, pretendait surprendre le jeune roi a Reims pendant
son sacre, les chefs de Yarmee de du Guesclin se posent en donneurs
(l'avis. C'est d'abord Godefroy d'Anequin qui donne le sien, puis le sire
de Beaumontü. Du Guesclin, qui suivait Parriere-garde, laisse dire; on se
dirige sur le passage du captal, peu lui importe le reste. Celui-ci tenait
beaucoup a derober sa marche :
a Et faisaient grant paix, sans noise et sans cri,
a Pour l'amour de Bcrtran qui redoubtoient si.
Tfapros Froissart, le captal s'informe, auprbs d'un häraut d'armes
qu'il rencontre sur sa route, de la marche des Frangaxs. Le häraut ro-
pond que ceux-m ont grand dcs1r de le rencontrer, qu 11s ont png le
1 Chron. de Bertran du Guesclfn, vers 11012 et suiv,
2 Chron. de du Gucsclin, vers 11H15 Et suiv.
VIII.