SIEGE
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ges. Ils attendent que plusieurs breches soient faites sur divers points
pour tenter un assaut general. Adosses a un fleuve, ayant une forteresse
en face, ils se retranchant et s'emparent des points defendables sur la
rive. Enfin, ne pouvant emporter la place apres une attaque simultanee
contre les defenses entamees par la mine, sachant qu'un corps d'armee
arrive au secours de la garnison et va se presenter sur la rive gauche de
l'Aude et tenter le passage 1, craignant de se trouver ainsi dans un cam-
pement domine parla cite et expose a une attaque sur les Iives du fleuve,
Farmee du vicomte leve le siege. Depuis le moment on elle se presente
devant Carcassonne jusqu'au moment ou elle se decide a retourner vers
le sud, cette armee procede donc avec une connaissance pratique de l'art
de la guerre assez remarquable, et qui fait un contraste avec ces expedi-
tions f'olles de la noblesse frangaise pendant le xv' sieclc.
En effet, si l'on met en regard les documents militaires du x111e sieele
et ceux du xve, loin d'apercevoir un progres, on signale plutot une deca-
dence. Sous Philippe-Auguste, sous saint Louis, sous Philippe le Hardi
et Philippe le Bel, on voit des armees qui possedent des traditions, des
methodes; on reconnait un ordre, une tactique, soit en campagne, soit
devant les places fortes. Il semble qifapres les malheureuses journees
de Grecy et de Poitiers, le lien solide deja qui constitue les armees des
XIIÜ et xme siecles soit rompu en France, que la bravoure seule tienne
lieu de l'art militaire. Du Guesclin fait une exception au milieu de ce
desarroi. Lui, possede de veritables troupes et sait s'en servir. Mais, apres
le grand connetable, la confusion ne fait que s'accroitre jusqu'au moment
ou le peuple entre dans l'arche, ou Charles VII et Louis XI constituent
des armees royales independantes de la feodalite.
Ce ne sont ni les moyens d'attaque, ni les engins puissants qui font
defa-ut dans les armees de 1a fin du xiv" siecle et du commencement
du XVeZ les mineurs du Nord, les engineurs, ouvriers, gens a gages, sont
habiles et actifs; mais l'ordre dans le commandement, l'art de diriger
des troupes, de les repartir suivant le besoin, manquent completement,
tandis que certaines expeditions des X119 etxme siecles indiquent de la
part des chefs autant de talent que dexperience, souvent meme des com-
binaisons profondes. L'investissement du Vexin, l'attaque et la prise du
chateau Gaillard par Philippe-Auguste, sont des operations militaires
conduites avec toutes les qualites qu'on demande a un grand capitaine.
La, pas une fausse manceuvre, rien n'est abandonne au hasard. Le but
entrevu des l'origine est atteint pas a pas, methodiquement, avec la pru-
dence qui convient a un chef militaire. Les princes, les barons, les che-
Valiers qui avaient fait la guerre en Orient, en face des armees des kalifes
CL Ineme des armees grecques, avaient contracte des habitudes militaires
qui se perdirent quand la feodalite demeura en Occident. D'ailleurs le
1 Au mois d'octobre, date du siägc, l'Aude est habituellement gudable dans les envi-
rons de Carcassonne.