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les charpentiers etablissent des hourds doubles. Le champ de Montolieu
est une lice ou l'on combat tout le jour, si bien qu'on ne sait plus si ce
sont des Francais qui assiegent Toulouse, ou les Toulousains qui assiegent
le grand camp retranche du comte Simon. Un matin d'hiver, des l'aube,
les Franeais veulent surprendre la ville ; ils se sont armes pendant la nuit,
et se precipitent avec furie sur les defenses. Deja ils ont franchi des fos-
ses pleins d'eau, renverse des palissades. Le chateau Narbonnais envoie
des projectiles contre la place pour appuyer les assaillants, qui cepen-
dant finissent par regagner leur camp sans avoir pu rien faire. Ainsi se
passent encore deux mois, et la ville se garde et se defend mieux que
jamais. De nouveaux croises, amenes par Feveque, viennent grossir Yarrnee
du comte Simon. Les Toulousains reeoivent encore des renforts con-
duits par Arnaud de Vilamur; ils elevent chaque jour des defenses plus
etendues, gagnent de l'espace, et batissent de bons murs de maqonnerie
derriere les fosses et palissades bien gardees.
Apres une attaque infructueuse contre cette extension des defenses
de la ville, le comte de Montfort se voit contraint de reculer son camp
d'une demi-lieue, en abandonnantune centaine de baraques et les chau-
dieres des cantines. Les gens de Toulouse attaquent alors le chateau
Narbonnais. Ils sont arretes dans cette entreprise par une forte crue de
la Garenne. Plusieurs de leurs defenses sont ainsi coupees de la ville
par les eaux; mais sans se decourager, on les approvisionne a l'aide de
bateaux, de va-et-vienl, de radeaux, de pont de cordes. Le comte Simon
profite de cette circonstance pour battre si vivement un de ces ouvrages
saillants, situe sur l'autre rive de la Garenne, avec ses trebuchets et ses
pierrieres, que les defenseurs, depourvus de munitions et voyant tous les
parapets rompus, sont contraints de l'abandonner.
Le comte Simon est entre dans la tour abandonnee, il y plante sa
banniere; mais alors la lutte s'etablit dans l'eau, a cheval, en bateaux,
sur des claies. On se dispute chaque bicoque autour de la tete du pont.
Uhopital estpris par les Franeais et crenele; ils esperent ainsi pouvoir
tenir les deux sieges, l'un sur la rive droite, l'autre sur la rive gauche,
afin d'affamer la ville ; car, gräce aux nombreux renforts qu'il a recus,
le comte Simon a etendu sur la rive droite sa ligne de contrevallation
jusqu'a la cleture de Saint-Sernin.
Mais l'argent lui manque, il ne sait plus quels expedients employer
pour solder un si grand nombre d'hommes (cent mille, disent les chroni-
queurs). Il lui faut brusquer le siege ou le lever honteusement; c'est
alors qu'il imagine de faire construire une gaie en charpente, sorte de
galerie roulante qu'on poussera jusqu'aux remparts dans le fond du
fosse; gate si bien garnie de fer, qu'elle ne craindra ni les pierres ni
les poutres qu'on pourra lancer ou jeter sur elle. Quatre cents cheva-
liers s'y enfermeront, et feront si bien, qu'ils perceront les defenses et
entreront dans la ville.
Le comte a etabli son quartier general sur la rive gauche, mais sans