385 [ SIEGE]
a Barons, fait le comte, c'est trop a la fois pour moi de votre offense et
a de vos raisons... v
En depit des avis, des observations les plus prudentes, le comte pre-
tend que la ville de Toulouse doit dedommager ses troupes des pertes
eprouvees devant Beaucaire. a Nous retournerons en Provence quand
a nous serons riches assez, mais nous detruirons Toulouse de telle sorte
u que nous n'y laisserons pas la moindre chose qui soit belle ou bonne...
a -Puisque ceux de Toulouse ne nous ont pas trahis, replique don Gui,
u vous ne devriez point les condamner, sinon par jugement... D Lkiveque
intervient, engage les gens de Toulouse a sortir pacifiquement au-devant
du comte; Yabbe de Saint-Sernin tient aux bourgeois et chevaliers
de la xiillc le meme langage. En effet, on se dispose a recevoir le lien du
comte en dehors des murs. a Mais voila que par toute la ville se repand
a un bruit, un propos, des menaces: a Pourquoi, barons, ne vous en
a retournez-vous pas tout doucement, a la derobee (dans vos maisons) ?
r: Le comte veut qu'on lui livre des otages, il en a demande, et s'il vous
a trouve la dehors, il vous traitera comme canaille. n Ils s'en retournent,
a en effet ; mais tandis qu'ils vont par la ville se concertant, les hommes
(a du comte, ccuyers et damoiseaux, enfoncent les coffres et prennent ce
u qui s'y trouve... n A cette vue, l'indignation s'empare des habitants.
Tout a coup, pendant que les gens du comte s'introduisent dans les logis
et brisent les serrures, une clameur s'eleve du sein de la ville. a Aux
u armes, barons ! voici le moment! n Tous alors sortent dans les rues, se
rassemblent en groupes; chevaliers, bourgeois, serviteurs, femmes et
vieillards, chacun s'empare de l'arme qui se presente sous la main;
devant chaque maison skäleve une barricade zmeubles, pieux, tonneaux
bancs, tables, sortent des caves, des portes; sur les balcons s'accumulent
des poutres, des cailloux. a Montfortl v s'ecrient les Francais et Bour-
guignons. u Toulouse ! Beaucaire l Avignon l n repondent ceux de 1a vine,
La melee est sanglante; les troupes du comte Gui battent en retraite, et
cherchent a se rallier sous une grele de briques, de paves, de pieux...
A grand'peinc parviennent-elles a se frayer passage a travers les barri-
cades qui s'e1event a chaque instant. a Que le feu soit mis partout ! n
crie le comte de Montfort, quand il desespcre de se maintenir dans la
ville insurgee. Saint-Remezy, J oux-Aigues, 1a place Saint-Esteve, sont en
flammes. Les Francais se sont retranches dans Peglise, dans la tour Mas-
caron, dans le palais de Feveque et dans le palais du comte de Com-
minges. Mais les Toulousains elevent des barrieres, creusent des fosses
et attaquent ces postes. Entre la flamme et le peuple souleve, les troupes
du comte se forment en colonne afin de se faire jour; repoussees,
elles se rejettent vers la porte Sardane : de cecote encore imposgibk,
de percer la foule des assaillants. Le comte se retire au chäteau Nar_
bonnais, ä la nuit, ayant perdu beaucoup de monde, plein de rage et
de soucis.
Toutefois, le lendemain, les habitants se laissent prendre au piägg que
VIII. 119