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sur les troupes des kalifes, souvent battus meme, surent conduire avec
succes un grand nombre de sieges longs, penibles. C'est que la neeessitä
est un maitre severc; que devant ces places fortes, bien munies, il fallait
proceder avec ordre, contracter des habitudes de travail et de discipline
que ne pouvait remplacer la bravoure seule; qu'il fallait se bien garder;
penser aux approvisionnements de toute nature ; possedeic cette qualite
superieure du soldat, la patience tenace; qu'il fallait du sang-froid et de
la regularite dans les travaux. Aussi quand ces debris d'armees reviennent
en Occident, quel changement dans les allures, dans la facon de conduire
les operations militaires l Les troupes de Philippe-Auguste ne sont plus
ces hordes armees du x18 siecle, ce sont de veritables corps organises,
procedant regulierement deja et habiles dans l'art (Yassieger les places
les plus fortes. Si Philippe-Auguste a attaque et pris un si grand nombre
de villes et de ehateaux; si, le premier, il a pu etre considere comme
un roi des Francais, possedant une autorite non eontestee, n'est-ce pas
en grande partie a celte instruction militaire des armees des croises en
Syrie qu'il a dü cette preponderance 1 ? Les troupes du terrible comte
Simon de Montfort ifetaient-elles pas composees en partie de chevaliers
-et de soldats qui avaient fait la guerre en Syrie.
Sur le siege de Toulouse, entrepris par le comte, il nous reste un
document precieux ecrit en vers proveneaux par un poete contempo-
rain et temoin oculaire, semble-t-il 2.
Simon de Montfort, force de lever le siege de Beaucaire, apres avoir
perdu devant cette ville ses equipages, ses chevaux, ses mulets arabes,
ses engins, se dirige vers Toulouse, plein de colere et de desirs de ven-
geance. Il convoque tous les hommes du Toulousain, du Carcassez, du
Bazes, du Lauraguais, en leur donnant l'ordre de venir le joindre. Arrive
devant la ville en ennemi plutot que comme un seigneur rentrant chez
lui, les gens de Toulouse le supplient de laisser hors des murs cet atti-
rail guerrier, et de vouloir bien entrer en ville, lui et son monde, en
tunique et sur des palefrois. a Barons, repond le comte, que cela vous
a plaise ou deplaise, arme ou sans armes, debout ou couche, j'entrerai
u dans la ville et saurai ce qui s'y fait. Pour cette fois, c'est vous qui
a m'avez provoque a tort : vous m'avez enleve Beaucaire que je n'ai pu
a reprendre, le Venaissin, la Provence et le Valentinois. Plus de vingt
u messages m'ont annonce que vous etiez par serment lies contre moi;
a mais, par la vraie croix sur laquelle Jesus-Christ fut mis, je ifoterai
a point mon haubert ni mon heaume de Paviejusquü ce quej'aie choisi
u des otages parmi la fleur dela ville... n
Les gens de Toulouse jurent qu'ils n'ont jamais agi en ennemis.
1 Voyezla description d'un des sieges les plus longs et difficiles, entrepris par Philippc-
Auguste, ä l'article CllATEAU.
2 Hist. de la croisade contre les Albigeois, Collection des documentsiiuidits de Vhiäwife
de F rance, publies par les soins du Ministre de l'instruction publique (Paris, 1837).