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et, au lieu d'etre gaspilles, comme cela se voit toujours dans les armecs
indiseiplinees, sont employes avec ordre et promptitude.
On ne perd pas inutilement des hommes a tenter des assauts avant que
tous les moyens d'attaque soient prets. Il n'est plus question ic-i de ces
traits de bravoure inconsideree qui compromettent la vie des soldats
sans apparence de resultat serieux. Toute cette armee se recueille dans un
travail assidu pendant six semaines, et les seules actions mentionnees sont
des escarmouches entre des fourrageurs et des troupes sorties de la ville.
La veille du jour fixe pour l'attaque, le duc de Lorraine et les deux
comtes de Normandie et de Flandre, qui avaient leurs quartiers au nord
, et au nord-ouest, font une reconnaissance, et constatent que, sur ce
point le moins bien defendu par la nature, les assieges, pendant les
preparatifs des croises, ont singulierement renforce leurs defenses. En
vrais capitaines, ces chefs changent immediatement leur plan d'attaque;
pendant la nuit, ils font demonter les engins et les beffrois, qui etaient
deja dresses, et les font transporter et remonter en face du front qui,
a l'est, s'etend entre la porte de Sainl-Etienne et la tour du coin nord,
(levant la partie de la ville batie sur le mont Bezetha, au nord de l'en-
ceinte du temple. Au lever du soleil, les assieges furent ebahis de ne
plus trouver un assaillant ni une machine vers la porte de Damas, et de
voir les beffrois et les engins dresses a plus de cinq cents pas du point
ou ils les avaient vus la veille au soir. A fopposite, sur le mont Sion, le
comte de Toulouse avait fait dresser un beffroi contre les remparts, en
face de la tour de David. Une troisieme attaque etait preparee contre le
saillant occidental. Ainsi, la ville etait attaquee sur trois points a la fois,
distants les uns des autres de mille a douze cents pas. A peine le jour
paraissait-il, que les trois divisions de Parmee des croises sebranlerent
a la fois, firent approcher les beffrois contre les murailles et jouer les
pierrieres. La journee tout entiere fut employee, du cote des assaillants,
a combler les fosses, a pousser les beffrois, a couvrir les crenelages de
projectiles, a faire agir les beliers contre les remparts; du cote des assie-
ges, a revetir les murs de matelas, de poutres, pour empocher l'effet des
projectiles, a jeter des matieres incendiaires sur les engins et les beffrois,
areparer les merlons, a faire decliquer leurs machines de jet. La nuit
mit fin a l'action, et l'on se garda de part et d'autre avec d'autant plus
de soin, que, sur quelques points, les beffrois touchaient presque aux
parapets et que les sentinelles pouvaient se battre corps a corps.
Au point du jour, l'attaque recommenca sur les trois points a la fois
avec plus de furie et de methode.
Les beffrois sont pousses, les ponts abattus et etayes avec des poutres
arraehees aux assieges. La colonne d'assaut de l'attaque du nord penetre
121 premiere sur les remparts, et s'empresse d'aller (Juvrir les portes au
gros de Farmee. De son cote, l'attaque du comte de Toulouse reussit, et
ses troupes se repandent dans le quartier bati sur le mont Sion. La ville
est gagnee : le siege avait dure trente-huit jours.