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la rive gauche. Pendant les premieres operations du siege, les soldats
(le l'ar1ne'e des croises traversaient souvent le fleuve a la nage pour aller-
fourrager sur la rive droite, plus fertile que la rive gauche; les assieges
ne laissaient pas echapper ces occasions de sortir par la porte du Pont
et d'enlever ces partis. Aussi les princes resolurent d'etablir sur le fleuve
un pont de bois. On prit tous les bateaux qu'on put trouver, soit sur le
fleuve, soit sur le lac situe en amont de la ville; on les relia avec des
poutres, et l'on etablit sur cette charpenterie un tablier de claies d'osier.
Ce pont de bateaux fut jete a un mille en amont du pont de pierre qui
touchait a la porte de la ville. Le quartier des assiegeants qui gardait le
pont de bateaux, et qui serrait la place de la porte du Chien a la porte
du Duc, etait sans cesse expose aux sorties des assieges, qui se repan-
daient sur la chaussee du marais; ce quartier se trouvait ainsi dans une
position facheuse, adosse au fleuve et ayant sur ses flangg deux issues par
lesquelles les assieges pouvaient l'attaquer. On essaya (l'abord de detruire
le pont de pierre, mais on ne put y parvenir. Puis on etablit un beffroi
en charpente, qu'on roula devant ce pont pour le commander; mais les
gens de la ville parvinrent a Fincendier. On dressa trois pierrieres qui
lancaient des pierres contre la porte du Pont. Mais des que ces machines
cessaient de manceuvrer, les habitants sortaient aussitot et causaient des
pertes a Farmee. Les princes prirent alors le parti de barricader ce pont
de pierre avec des rochers et des arbres. Ce dernier moyen reussit en
partie; et, de ce cote, les assicges ne tenteront plus des sorties aussi fre-
quentes. De fait, les croises etaient autant assieges quhssicgeants, ayant
chaque jour a se defendre contre les sorties des gens dülntioche, qui
atlaquaieilt leurs ouvrages, detruisaient leurs machines et leurs palis-
sades. Le temps secoulait, les fourrages et les vivres devenaient rares,
et les maladies decimaient Farmee des croises. Ceux-ci, qui, en arrivant
devant Antioche, possedaient encore soixante et dix mille chevaux, n'en
avaient plus que deux mille au plus, "trois mois apres le premier inves-
tissement. La saison des pluies rendait les chemins impraticables, on
etait dans l'eau tout le jour, et 1e sol detrempe n'offrait sur aucun point
un refuge contre Fhumidite. Cette situation critique fut aggravee encore
par l'attaque d'un corps considerable de troupes sorties d'Alep, de ce-
sarce, de Damas, d'Emese, d'Hierapolis, auquel s'etaient joints des Arabes
nomades. Les croises, par une manoeuvre habile, se portent au-devant
de cette armee, ne lui laissent pas le temps de se mettre en communica-
tion avec la ville, la battent, lui "tuent deux mille hommes, bFÜlGIIlZ son
camp de Harenc, et lui enleverent mille chevaux, dont on avait grand
besoin. Revenus le lendemain matin devant Antioche, deux cents tetcs
des Turcs tues pendant le combat sont jetees dans la ville. Mais ces tra-
vaux, les attaques du dehors et des assieges, etaient un enseignement
pour les chefs des croises. Apres l'affaire de Harenc, les princes se deci-
dent a etablir un camp retranche sur la hauteur. situee vers l'est, en
amont de la ville. Plus tard, apres une vigoureuse sortie des assieges,