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SIEGE
forteresses selevent redoutables ; elles ne sont pas plutot elevees, qu'elles
sont attaquees, prises, reprises, augmentees, perfectionnees. Ainsi se
constitue un art veritable", dont on s'est peu occupe, il est vrai, mais qui
n'en a pas moins eu, sur le caractere et les moeurs de la nation, une
iniluence considerable.
Nous disions tout al'heure que sous les Merovfingiens, et meme jus-
qu'aux derniers des Carlovingiens, l'art de la guerre, tres-borne, n'allait
pas jnsqu'a savoir attaquer ou dcfendre une place, et que si des hordes
de barbares envahirent si facilement le sol des Gaules pendant les v0 et
Vle siecles, cela tenait a la longue paix dont on avait joui sous l'empire
des Cesars, et a l'incurie des municipes, qui n'avaient ni remparts
autour de leurs villes, ni le souci de les munir et de les garder. Les
Gaules setaient deshabituees de la guerre. Au X110 siecle, il n'en etait plus
ainsi; depuis six cents ans on ne cessait de se battre sur le sol occidental
de l'Europe. La feodalite s'etait installee dans toute sa puissance, et avec
elle la guerre a l'etat permanent. Le vieil esprit gaulois, si bien depeint
par Cesar, s'etait ranime au milieu des luttes perpetuelles des premiers
temps du moyen age, et la feodalite, tout oppressive qu'elle fut, trouvait
dans ce temperament du pays des elements de puissance qu'elle exploi-
tait contre elle-meme.
Sur un territoire couvert de chateaux fortifies occupes par des seigneurs
turbulents, audacieux, la guerre etait et _devail; etre a Yetat chronique.
D'ailleurs celui qui possede une arme n'attend que l'occasion de s'en
servir, et la provoque au besoin. De meme celui qui possede une forte-
resse ne vit pas sans un secret desir de la voir attaquer, ne fut-ce que
pour prouver sa puissance. Dans un etat pareil, l'art des sieges ne pou-
vait manquer de se developper a Pegal de celui de la defense, et les sei-
gneurs revenus de Syrie, oü ils avaient acquis des connaissances nouvelles
sur cet art, devaient saisir avec empressement toutes les occasions de
s'en servir contre leurs rivaux. Mais, pour assieger une place, il ne suffit
pas d'avoir de bonnes troupes d'hommes d'armes, il faut des soldats,
des mineurs, des pionniers, des terrassiers. C'est ainsi que peu a peu
cette partie de la population qui semblait exclue du metier des armes,
se trouvait engagee a en prendre sa part, d'abord comme ouvriers,
comme corveables, puis plus tard comme corps de troupes.
Nous ne parlerons que sommairement des sieges entrepris contre des
places fortesavant le X118 siecle, parce que le peu de documents ecrits
qui nous restent sur ces operations sont trop vagues, trop contradic-
toires meme, pour qu'il soit possible d'en tirer quelque chose ressem-
blant a un art. Il n'est guere question dans ces documents que de moyens
analogues a ceux employes par les Romains, mais avec peu de methode.
Au siege d'Angers contre les Normands, Charles le Chauve employa des
engins qu'il avait fait etablir par des ingenieurs appeles de Byzance
Chronicon mon. S. Serg.
A ndegav,