SIEGE
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favorables etait reduite bientot a neant par l'abandon de ces grands
vassaux, qui ne pouvaient retenir les hommes conduits par eux, sous
leurs bannieres, passe un certain delai.
Les croisades, entre autres resultats considerables, furent certaine-
ment le premier point d'appui de la monarchie francaise, pour reduire la
feodalite sous sa domination. En Syrie, on prit l'habitude de la guerre
longue; les rapports avec Byzance mirent les armees occidentales en
possession des moyens d'attaque employes par les armees romaines.
Aussi est-ce au retour de ces expeditions, fussent-elles meme malheu-
reuses, que nous voyons en Occident l'art des sieges pratique par les
suzerains, prendre une consistance, s'attaquer a la feodalite pour la
reduire peu a peu, chateau par chateau, et cela depuis Philippe-Auguste
jusquäi Louis XI.
C'est a dater des premieres croisades que l'attaque des places fortes
se fait d'apres certaines regles, methodiquement; mais en meme temps
l'art de la fortification se developpe, et atteint en France une perfection
extraordinaire.
Si l'on compare nos fortifications de la fin du xne siecle et du com-
mencement du xme avec celles qui furent elevees a la meme epoque
en Italie, en Allemagne, en Angleterre, on ne peut meconnaitre la supe-
riorite des fortifications francaises. Cette superiorite de la defeilse n'etait
que la consequence de la superiorite de l'attaque. C'est qu'en effet le
gros des armees des croises etait compose principalement alors de Fran-
cais, dest-a-dire des contingents fournis par le Brabant, les Flandres,
Plle-de-France, la Picardie, la Normandic, l'Anjou, le Poitou, le Berry,
la Guyenne, l'Auvergne, la Bourgogne, le Lyonnais, la Provence, le
Languedoc et la Champagne. Ce sont ces armees de croises qui, au retour,
sont employees a des guerres serieuses, longues, a des sieges difficiles.
Ce sont les troupes de Philippe-Auguste, celles de Simon de Montfort,
plus tard celles de saint Louis.
En Syrie, ces armees emploient des ingenieurs lombards, genois et
grecs, qui avaient conserve et meme perfectionne les traditions des armees
romainesk Bientot, par suite de cette faculte particuliere aux peuples de
nos pays, nous nous approprions les methodes de ces auxiliaires, trop
souvent hostiles; nous rentrons en France, et nous employons ces me-
thodes contre nos ennemis. Or, les ennemis, dans un pays feodal, sont
ou peuvent etre partout. Aujourd'hui ce seront des Albigeois, demain
des grands vassaux ligues contre le pouvoir royal. De toutes parts les
l A Byzance, l'art de Fingdnieur militaire skitait conservä, ou plutüt n'avait jamais
cesse? düätre pratiquä. La Bibliothäque impäriale de Paris, celles du Vatican, de Vienne,
de Bolognc, de Turin, cl'Oxford, etc, possädcnt des manuscrits grecs relatifs Z1 l'art de
Fingdnieur militaire, contenant. des räcits de siäges et de combats empruntäs aux divers
äges de la Gräce, depuis le siäcle de Thucydide jusqu'aux premibres annäes du Bas-Empirü-
Ccs manuscrits ont ätä recueillis par M. C. Wescher, sous le titre de : Poliorcätique 0166
Grecs (Imprimerie impän, Plon, 6dit.).