373
SIEGE
Des hommes habitues aux constructions navales et a tous les travaux
qu'exige une navigation sur des hatiments d'un tres-faible tonnage, ac-
quierent une adresse et une rapidite dans les manoeuvres quiles rendent
aptes aux labeurs des sieges. Encore aujourd'hui nos matelots sont les
hommes les plus expeditifs et les plus adroits qu'on puisse trouver, s'il
s'agit d'elever un epaulernent, de le palissader et de le munir d'artil-
lerie, parce qu'ils ont contracte et entretenu cette habitude de reunir
instantanement leurs forces pour un objet special. Plus tard, lorsque
Guillaume le Batard descend en Angleterre, on ne peut meconnaitre la
superiorite relative de ses troupeä, SOit pour construire, approvisionner
et mettre a flot une flotte, soit pour operer rapidement une descente ;
soit, lorsque l'Angleterre est en partie soumise, pour elever des chateaux
et des defenscs propres a dominera la population des villes et des cam-
pagnes. De toutes les conquetes faites depuis l'empire romain, aucune
ne reussit mieux que celles des Normands. Du jour oü ils ont mis le pied
dans l'ile saxonne, ils ne font que s'etendre, que se fortifier-peu a peu,
sans reculer d'un pas. Le meme fait se presente en Galabre, en Sicile.
Or, desresultats si generaux et si rares alors, ne sont pas l'effet du hasard,
mais doivent dependre d'une organisation militaire relativement forte,
regulicre, d'un art deja developpc, et surtout d'une habitude "de la
discipline qui etait un fait exceptionnel alors parmi les armees occiden-
tales. La discipline n'est jamais plus neeessaire dans les armees que
quand il s'agit d'assieger ou de defendre une place; aussi, pendant les
x6 et xre siecles, les Normands ont pris un nombre larodigieux de forte-
resses; ils ont su les defendre de maniere a decourager bien souvent les
troupes assiegeantes. On peut en conclure quündependannnent de leur
bravoure, les armees normandes etaient fortes par la discipline, par l'ha-
bitude et la regularite du travail; partant, qu'elles ont etc les premieres
qui, au commencement du moyen age, aient attaque les places avec une
certaine methode.
Le systeme feodal primitif, incomplet encore, qui se pretait merveilleu-
sement a la defense morcelee, etait impropre a pratiquer l'art de l'attaque
des places. En effet, les troupes de gens de guerre que reunissaient les
seigneurs feodaux ne devaient qu'un service limite sur Yannee quarante
jours en moyenne; on ne pouvait entreprendre avec ces corps armes que
des expeditions passageres, des coups de main, et cela explique comment
la feodalite crut, des le xresieele, etre invincible dans ses chateaux. Il fal-
lait des armees pour attaquer et prendre ces places. Il n'y a pas (Yarmees
ou il n'y apas de peuples; alors le fait ni le mot n'existaient. Les rois
de France eux-memes, autant qu'on peut donner ce nom aux chefs qui,
sur le territoire des Gaules, etaient reconnus comme suzerains par (le
nombreux vassaux, depuis les Garlovingiens jusqu'a Philippe-Auguste,
n'avaient point (Yarmees permanentes et ne pouvaient entreprendre des
sieges longs. Toutes les questions de guerre ne se vidaient jäjnaig d'une;
maniere definitive, et Fexpedition eommencee sous les auspices les plus