SIEGE
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L'art si avance de Yingenieur romain, soit pour defendre, soit pour
attaquer les places, ctait perdu en Occident, et ne devait reparaitre
qu'apres de longues periodes de guerre et de desastres.
Les sieges entrepris par les Merovingicns (autant que les textes nous
permettent de les apprecier) ne consistent qu'en travaux peu importants
de contrevallations, et qu'en assauts repetes. Si les villes resistent tant
soit peu, 1e decouragement, les maladies, ont bientüt reduit a neant les
troupes dassiegeants. Cependant les barbares eux-memes avaient em-
prunte aux Romains ou aux Orientaux quelques-uns de leurs moyens
d'attaque. Gregoire de Toursl parle de beliers qu'Attila aurait employes
pour battre les murs d'Orleans. Aetius, comme on sait, le forca d'ailleurs
a lever ce siege; mais dans ces "temps intermediaires entre le regime
romain et Fetablissement feodail en France, il n'est question ni de tra-
vaux reguliers d'investissement, ni de mines methodiquement tracees, ni
de ces engins que l'empire d'Orient avait pu emprunter aux Grecs, ni de
tranchees de cheminement, ni de ces plates-formes (aggeres) que savaient
si bien elever les troupes imperiales en face des remparts d'une place
forte. Lorsque les Normands firent irruption dans le nord et l'ouest de
la Gaule, sous les Carlovingiensfils ne trouveront devant eux que des
villes palissadees a la hate, des forts de bois, des defenses en ruine ou
mal tracees. Ils assiegeaient ces places a peine fermees, s'en emparaient
facilement, et emportaient leur butin sur leurs bateaux, dans des camps
retranches qu'ils etablissaient sur les cotes, pres de l'embouchure des
fleuves ou dans des iles. Il n'est pas douteux que ces peuples scandinaves,
traites de barbares par les choniqueurs occidentaux, etaicnt, au point
de vue militaire, beaucoup plus avances qu'on ne l'etait dans les
Gaules. Ils savaient se fortifier, se garder, approvisionner et munir leurs
camps d'hiver : et en cela ils montraient bien leur origine äryane; les
Aryas ayant laisse partout oii ils ont passe les traces de ces travaux
defensifs, de ces oppida, dont l'assiette est toujours bien choisie. Or, qui
sait comment on peut se defendre, sait comment on peut attaquer; la
defense d'une place n'etant autre chose que la provision des moyens
qu'emploiera l'attaque.
Il ne nous reste que bien peu de defenses qui datent de Pepoque du
premier etablissement des Normands sur le sol des Gaules 2; mais dans
les contrees envahies et occupees par ces aventuriers, l'art de la fortifi-
cation se developpant plus rapidement et sur des donnees beaucoup plus
intelligentes que partout ailleurs en France, on peut supposer que ces
terribles Normands avaient apporte avec eux des elements d'art mili-
taire d'une certaine valeur relative. Tous les tcmoignages historiques
nous les montrent saeharnant a l'attaque des places fortes, tandis que
les troupes gauloises sont bien vite rebutees par les diflicultes d'un siege.
l Livre Il, chap. vu.
2 Ces däfenses ne sont que des camps retranchäs, des lignes propres il proteger
promontoire, une cätc, contre les attaques venant de Fintärieur du pays.
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