SERRURERIE
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sont bien fabriques, ou grossiers ou vicieux, car l'architecte ne peut voir
une a une toutes les paumelles, equerres, ou serrures d'un grand bati-
ment, avant leur pose. Les attaches de ces objets etant noyees dans la
menuiserie, puis recouvertes de peinture, les defauts sont masques et ne
se devoilent que par les accidents qu'ils occasionnent. Ainsi, en arrivant
a dissimuler une bonne partie des objets de serrurerie aux yeux, on a pro-
voque les malfacons, les negligences, la fraude. A menteur, menteur et
demi : c'est trop naturel. Pour satisfaire aux regles imposecs par le classi-
cisme majestueux qui nous dominait si fort, l'architecte dissimulait et
dissimule encore des escaliers, des tuyaux de cheminee, des conduites
d'eau et (descendant aux details) des necessaires. J ugeant, non
sans raison, que ce qui doit etre dissimule ferait tout aussi bien de ne pas
etre, ou tout au moins de n'exister qu'a Fetat incomplet, les metteurs en
muvre ne se font pas faute de falsifier ou d'omettre cette marchandise
qu'une majestueuse pudeur voudrait soustraire aux regards. Aussi est-il
souvent necessaire, aujourd'hui, de rappeler les serruriers dans une ba-
tisse nouvellement tcrminee, pour reparer toute la quincaillerie si bien
dissimulee sous la peinture et meme la dorurc'; car, apres tout, il faut
qu'une porte ou une croisee roule sur ses gonds, ses charnieres ou ses
paumelles; qu' un verrou et une serrure fonctionnent; que les vis aient
de la prise, et les fers de la quincaillerie une epaisseur convenable pour
resister a l'usage.
Lorsque toutes les parties de la serrurerie fine etaient apparentes;
lorsque mcme, etant apparentes, elles contribuaient a la decoration,
force etait de leur donner une forme en harmonie avec leur destination,
et de veiller a 1a bonne execution d'ouvrages que lünil le moins exerce
pouvait verifier sans cesse. Moins preoccupes du majestueux que nous ne
le sommes, les maitres du moyen age cherchaient, pour les ouvrages de
quincaillerie, les combinaisons les plus simples, sans jamais les dissi-
muler, et parfois ces ouvrages sont de veritables chefs-(Fmuvre, en ne
considerant que la forme d'art zidaptee a l'usage.
En fait (l'objet de serrurerie, rien n'est plus simple que l'ancien loquet
a battant ou lleau; et cependant, pour qu'un de ces loquets fonctionne
bien et longtemps, il faut qu'une platine garnisse le vantail, afin d'em-
pecber le frottement du lleau sur le bois; que la bascule ou POÜQQjp
agisse sans effort sous la pression du doigt; que-le lleau ait un pgids
convenable pour retomber dans son mentonnet, etc. Dans l'exemple que
nous donnons ici (fig. 29) 2, le lleau pivotant sur le boulon A, muni
1 Les vis sont certainement une invention excellente pour fixer la serrurerie fine sur
de la menuiserie, et l'emploi des vis dans la quincaillerie ne date que de ln {in du xv" siccle.
Mais, gräce au soin qu'on prend aujourd'hui de cacher toutes les attaches des ferrures,
les ouvriers enfoncent les vis ai coups de marteau dans des trous faits au poingon. Mieux
vaudraient des clous. C'est ainsi qu'un perfectionnement devient une cause de malfngon,
quand on n'accuse pas franchement son emploi.
2 D'une porte d'une maison ä Saint-Antonin, XIV" siecle.