[RESTAURATION ] 22
restaurations faites dans les siecles precedents, et qui n'etaient que des
substitutions, on avait deja, des le commencement du siecle, essaye de
donner une idee des arts anterieurs par des compositions passablement
fantastiques, mais qui zivziient la pretention de reproduire des formes
anciennes. M. Lenoir, dans le Musee des monuments francais, compose
par lui, avait tente de reunir tous les fragments sauves de la destruction,
dans un ordre chronologique. Mais il faut dire que l'imagination du
celebre conservateur etait intervenue dans ce travail plutot que le savoir
et la critique. C'est ainsi, par exemple, que le tombeau (Ylleloise et
(FAbelard, aujourd'hui transfere au cimetiere de l'Est, etait compose
avec (les arcatures et colonnettes provenant du bas cote de Yeglise
abbatiale de Saint-Denis, avec des bas-reliefs provenant des tombeaux
de Philippe et de Louis, frere et iils de saint Louis, avec des mascarons
provenant de la chapelle de la Vierge de Saint-Germain des Pres, et
deux statues du commencement du XlVe sieclc. C'est ainsi que les
statues de Charles V et de Jeanne de Bourbon, provenant du tombeau
de Saint-Denis, etaient posees sur (les boiseries du XVIÜ siecle arrachces
a la chapelle du chateau de Gaillon, et surmontees d'un edicule de la
tin du XIIIe siecle; que la salle dite du xlve sieelc etait decoree avec
une arcature provenant du jube de la sainte Chapelle et les statues
du X1119 siecle adossees aux piliers du meme editiee; que faute d'un
Louis IX et d'une Marguerite de Provence, les statues de Charles V et
de Jeanne de Bourbon, qui autrefois decoraient le portail des Celestins,
a Paris, avaient ete baptisees du nom du saint roi et de sa femme Le
Musee des monuments franeais ziyant ete detruit en 1816, la confusion
ne fit que s'accroitre parmi tant de monuments, transferes la plupart
a Saint-Denis.
Par la volonte de l'empereur Napoleon I", qui en toute chose devan-
cait son temps, et qui comprenait l'importance (les restaurations, cette
eglisc de Saint-Denis etait destinee, non-seulement a servir de sepulture
a la nouvelle dynastie, mais a offrir une sorte de speeimen des progres
de l'art du X1118 au XVle siecle en France. Des fonds furent atfectes par
l'empereur a cette restauration; mais l'effet repondit si peu a son attente
des les premiers travaux, que l'architecte alors charge de la direction
de lkeuvre dut essuyer des reproches assez vifs de la part du souverain,
et en fut affecte au point, dit-on, d'en mourir de regret.
Cette malheureuse eglise de Saint -Denis fut comme le cadavre sur
lequel sexercerent les premiers artistes entrant dans la voie des restau-
rations. Pendant trente ans elle subit toutes les mutilations possibles, si
bien que sa solidite etant compromise, apres des depenses considerables
et apres que ses dispositions anciennes avaient ete modiiiees, tous les
beaux monuments qu'elle contient bouleverses, il fallut cesser cette
1 Cette substitution fut cause que, depuis lors, presque tous les peintres ou sculpteurs
charges de reprdscnlcr ces personnages mlonubrcnt in saint Louis le masque de Charles V.