[ SCULPTURE j 278
de l'hotel de Jacques Coeur, a Bourges, etait peinte ; on distingue encore
quelques traces des tons employes.
Pendant la renaissance encore reste-t-il quelques traces de ces tradi-
tions, malheureusement perdues definitivement depuis le XVIIe siecle.
Il faut reconnaitre que la peinture appliquee a la sculpture lui donne
une valeur singuliere, mais a la condition que cette application soit faite
avec intelligence et par des artistes qui ont acquis Fexpcrience des effets
de la couleur sur des objets modeles, effets, comme nous le disions plus
haut, qui ne sont point ceux produits sur des surfaces plates. Des tons
tries-sombres, par exemple, qui seraient lourds et feraient tache sur une
peinture murale, prennent de Feclat sur des reliefs. Un ton noir pose
sur le vetement d'une statue, par l'effet de la lumiere, se detacherait en
clair sur un fond de niche brun rouge. Cette sorte de peinture demande
donc une etude speciale, une suite d'observations sur la nature meme,
si l'on veut obtenir des resultats satisfaisants. Mais declarer que la pein-
ture appliquee sur la sculpture detruit l'effet de celle-ci, que c'est la con-
sequenee d'une depravation du goüt, parce que quelques badigeonneurs
ont pose du rouge ou du bleu au hasard sur des statues, et que cela est
ridicule, c'est juger la question un peu vite, d'autant que les Grecs ont
de tout temps peint la sculpture comme ils peignaient l'architecture ; ils
ne sauraient cependant etre consideres comme des barbares. Malgre des
abus, l'art de la periode du moyen age vers son declin manifestait encore
une grande force vitale. La sculpture a cette epoque n'est point tant a
dedaigner qu'on veut bien le dire : elle possede un sentiment de l'effet,
une experience longuement acquise, qui lui donnent une grande impor-
tance; elle atteint d'ailleurs une parfaite sürete d'execution. De cette
ecole sont sortis nos meilleurs artistes de la renaissance.
Pour conclure, il ne faut pas demander a l'art de la sculpture du moyen
age des modeles a imiter, pas plus qu'il n'en faudrait demander aux arts
de la Grece. Ce qu'il faut y chercher, ce sont les principes sur lesquels
ces arts se sont appuyes, les verites qu'ils ont su aborder, la maniere de
rendre les idees et les sentiments de leur temps. Faisons comme 'ils ont
fait, non ce qu'ils ont fait. Il en est de cela comme de la poesie : celle-ci
est toujours nouvelle et jeune, parce qu'elle reside dans le coeur de
l'homme ; mais tout attirail poetique vieillit, meme celui de Virgile,
merne celui d'Homere.
Le lever du soleil est toujours un spectacle emouvant et neuf ; et si nos
premiers parents pouvaient dire que les cavaliers celestes, les Acwins,
precedaient le char de Savitri a la main d'or ; Homere, que l'Aurore aux
doigts de rose ouvrait les portes de POrient; les trouveres, que le soleil
sortait des flots ou de la plaine ; ne devrions-nous pas dire : a Dans leur
revolution, nos plaines, nos montagnes, de nouveau se presentent aux
rayons du soleil. n En faisant tomber de leur sphere surnaturelle tous
les mythes poetiques des Vedas, de l'antique Hellade, n'avons-nous pas
apereu, derriere ces personnifications des forces de la nature, des hori-