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SCULPTURE
d'exemples de statuaire du moyen age qu'il ne s'en trouve dans Pltalie,
FAIIemagne, PAngIeterre et l'Espagne reunies 1.
Au commencement du xmi siecle, la bonne statuaire est d'une valeur
incomparable, mais faut-il encore la chercher. Les grandes ecoles se
forment, et leurs rameaux ne s'etendent pas bien loin. A dater du milieu
du xme siecle, les oeuvres remarquables abondent; un monde d'artistes
s'est constitue, les ecoles tendent a se fondre dans une unite de methode,
ct de pauvres eglises, des maisons, des chateaux de petite apparence,
contiennent parfois des ouvrages de sculpture d'une excellente execu-
tion, d'un style irreprochable. Ces artistes etaient donc repandus partout,
et la sculpture semblait etre un art de premiäre näcessitä. A ce moment
du developpement de l'art sculptural, Pexecution atteint un haut degre
de perfection. Que l'on examine la statuaire et la sculpture d'ornement
de la sainte Chapelle du Palais, de la porte sud du transsept de Ycglise
abbatiale de Saint-Denis, les parties inferieures du portail de droite de
la cathedrale d'Auxerre, les portes nord et sud de Notre-Dame de Paris,
la sculpture des portails de Reims et d'Amiens, on pourra se faire une
idee du developpement que prenait l'art sous le rogne de Louis IX.
Jamais l'observation de la nature ne fut poussee plus loin. Au milieu de
tant d'oeuvres, il est difficile de choisir un exemple.
Cependant nous presentons ici une des statues du portail occidental
de Saint-Etienne d'Auxerre2 (fig. 67). C'est une Bethsabee assise aux
cotes de David. La tete et les mains ont ete hrisees. (911 n'a jamais mieux
rendu le nu sous les draperies. Jamais on n'a mieux exprime une atti-
tude simple, aisee. Il n'y a la ni roideur, ni tuyaux d'orgues, ni pauvrete
physique. Cette femme se porte a merveille. Or, toutes les statues de ce
portail, et les sibylles notamment, ont la nfzme valeur. Il est clair que ces
statuaires n'allaient point chercher leurs draperies sur les statues antiques,
qu'ils ne drapaient point desmaquettes avec des linges mouilles. C'est
de Fetoffe sur le nu vivant; non Yetoffe dont les plis se roidisscnt ou
saffaissent par un long sejour dans l'atelier, mais le vetement porte,
laissant voir toutes les delicatesses des mouvements d'un corps souple.
Ce n'est point la le costume que portaient les dames de 4250, c'est un
vetement ideal, mais qui a toute la gräce et l'aisance de l'habit usuel.
Nous ne soutiendrons pas que les habits du xnri siecle ne fussent pas
plus favorables a la statuaire que les notres, mais les artistes ne repro-
duisaient guere les vetements de leur temps qu'accidentellement. Ils
drapaient leurs figures suivant leur goüt, leur fantaisie, et jamais on ne
sut mieux, sinon dans la belle antiquite grecque, donner aux draperies
le mouvement, la vie, l'aisance.
1 Remarquons encore ici que, dans nos musees de Paris ou de province, dans nos
ecoles, il n'y a pas un seul moulage de cette statuaire pouvant servir ä l'enseignement;
et c'est nous qui sommes les gens exclusifs !
2 Porte de droite, dont la partie infärieure date de 1250 E1 1260.